Chronique

Le combat pour le droit à la libre critique des films

le 08/11/2019 par Emmanuelle Champomier
le 30/08/2016 par Emmanuelle Champomier - modifié le 08/11/2019
Jim le Haponneur au cinéma dans Le Journal du 20 mai 1928

Emmanuelle Champomier nous explique comment le procès d'un journaliste de L'Humanité, en 1928, contribua à légitimer le droit à la critique de cinéma.

La critique des films prochainement à l’affiche est une pratique aujourd'hui communément admise, et même accessible à tous, chacun ayant désormais la possibilité et la liberté de donner son avis de diverses manières sur Internet. Or, cela n’a pas toujours été le cas. Le droit de faire la critique d’un film a longtemps été remis en cause par les producteurs de cinéma. Dans les années 1920, un événement va cependant provoquer, sur le long terme, l’émancipation de la critique cinématographique.

L'affaire remonte au 15 octobre 1926 : Léon Moussinac, critique au journal L'Humanité dans lequel il tient une rubrique cinématographique toutes les semaines depuis plus de trois ans, publie une critique incisive du film américain Jim le harponneur (The Sea Beast) réalisé par Millard Webb et distribué en France par la Société des Cinéromans.

Celle-ci appartient à un magnat de la presse et du cinéma, Jean Sapène, qui est par ailleurs directeur du quotidien Le Matin, fondateur du consortium de la presse parisienne regroupant les quatre grands quotidiens Le Matin, Le Petit Journal, Le Petit Parisien et Le Journal, et administrateur de la maison de production Pathé-Consortium-Cinéma. Le jugement de Moussinac est sans appel sur Jim le harponneur, dont il explique qu’il est selon lui :

"Le type même du mauvais film américain et du mauvais film tout court. [...] Jim le harponneur constitue l'exemple caractéristique du spectacle cinéma-tographique à siffler sans hésitation."

Le hasard et l'anecdote veulent qu'il inaugure dans le même numéro une consultation auprès de la corporation du cinéma sur le statut de la critique cinématographique.

 

Le crime de "critique"

 

« Quelle illustration inespérée de l'opportunité et de la portée de l'enquête menée par notre camarade Moussinac, en quatrième page, sur la domestication de la critique par les distributeurs de publicité cinématographique. À peine est-elle lancée que les vendeurs de films s'insurgent contre qui refuse d'être à leur solde »

Note deux semaines plus tard Paul Vaillant-Couturier, qui annonce ainsi en une le procès intenté par Jean Sapène au journal et à Moussinac sous le titre : « La Société des Cinéromans poursuit L'Humanité... pour crime de "critique" ! ».

Ne manquant pas d'humour, Moussinac publie en page 4 du même numéro ...

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