Chronique

Les « sciences coloniales », légitimation académique de la colonisation

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« À l'exposition Expansion coloniale », dessin de G. Meunier, 1907 - source : Gallica-BnF

À la fin du XIXe siècle, tandis que les grandes nations européennes affirment leur volonté expansionniste, celles-ci ouvrent des chaires universitaires en vue d’éduquer citoyens et sujets aux « us et coutumes » des territoires conquis.

Cet article est paru initialement sur le site de notre partenaire, le laboratoire d’excellence EHNE (Encyclopédie pour une Histoire nouvelle de l’Europe).

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De la fin du XIXe siècle au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, accompagnant le renouveau de l’expansion ultramarine, de nouveaux savoirs sur les colonies et les populations colonisées sont produits et enseignés dans les métropoles européennes. Ils prennent la forme de nouvelles disciplines : les « sciences coloniales », c’est-à-dire la « géographie coloniale », l’« histoire coloniale », le « droit colonial », l’« économie coloniale », la « sociologie coloniale ».

Dans les capitales européennes et les ports coloniaux, des universitaires, hauts fonctionnaires et hommes d’affaires se mobilisent afin de fonder de nouvelles chaires et institutions d’enseignement et de recherche, des revues spécialisées et des sociétés savantes. Les « sciences coloniales » hésitent entre trois objectifs différents, voire contradictoires : construire une science désintéressée et autonome, contribuer au bon fonctionnement administratif et à la prospérité économique des colonies en fournissant outils et répertoire de bonnes pratiques et, enfin, légitimer l’œuvre coloniale de chaque nation en étayant la dimension « humanitaire » et « civilisatrice » de la colonisation.

« L’enseignement du berbère, un outil pour gouverner le Maroc », Le Siècle, 17 juillet 1912

Si quelques travaux monographiques ont permis de mesurer précisément l’importance des « sciences coloniales » dans certains pays (France, Belgique, Allemagne), nous ne disposons pas encore d’études synthétiques sur l’ensemble de l’Europe.

Dans les grandes puissances coloniales, comme la Grande-Bretagne, la France et les Pays-Bas, les « sciences coloniales Â...

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