Séquence pédagogique

Dimension politique de la guerre : conflits interétatiques et enjeux transnationaux

le par - modifié le 02/05/2023
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RetroNews et Clionautes se sont associés pour proposer des séquences pédagogiques sur les sujets du programme d'Histoire. L'objectif de cette séance est d'établir une définition de la guerre entre États à partir d'une analyse documentaire approfondie des écrits de Clausewitz, tout en insistant sur leur représentation parfois erronée.
 
Niveau Terminale | Thème 2 - Faire la guerre, faire la paix : forme de conflit et modes de résolution | Chapitre 1 La dimension politique de la guerre : des conflits interétatiques aux enjeux transnationaux.

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Introduction

John Keegan, Histoire de la guerre. Du néolithique à la guerre du Golfe, Paris, Dagorno, 1996
« Qu’est-ce que la guerre ? Voilà la question par laquelle j’ai commencé cet ouvrage. À présent que je parviens son terme, et si le lecteur m’a suivi jusque là, j’espère avoir réussi à lui faire comprendre que la réponse n’est pas simple, pas plus que ne l’est la nature même de la guerre. [ …] L’histoire écrite du monde et pour une large part une histoire de guerre. Les états dans laquelle nous vivons se sont créés principalement par des conquêtes, des conflits civils ou des luttes pour l’indépendance. Bien plus, les grands hommes d’État qui jalonnent cette histoire écrite sont généralement des hommes de violence. S’il n’était pas eux-mêmes des guerriers – mais beaucoup d’entre le fur –, du moins n’ont-ils pas hésité à se servir de la violence pour atteindre leur but ».

Analyser la guerre c’est analyser un phénomène social dans les représentations, centrées autour de la violence, semblant s’imposer à tous. Les images, aujourd’hui animées, accompagnent nos représentations de ce phénomène. Comme le démontre John Keegan le défi est complexe.

Questions : 
 
1 - Lire le texte suivant et relever le vocabulaire posant problème. Faites les recherches nécessaires si besoin, en utilisant les outils à disposition.
2 - Quel est le contexte dans lequel cet article a été rédigé ?
3 - Faites une recherche sur Carl von Clausewitz, et Friedrich von Bernhardi. Quel est leur lien avec les réflexions sur la guerre ?
4 - Quel est, selon l’auteur, la caractéristique principale de la théorie allemande de la guerre ? Comment justifie-t-il cette approche ?
5 - Dans quelle mesure peut-on dire qu’il y aurait, selon cet article, différentes approches de la guerre ? Justifier.
6 – Quelles sont les références de l’article au temps long. Pour vous aider vous pouvez simplement mettre en place une petite chronologie des faits rapportés.
Document 1 : article du Figaro, 1er février 1916, « Les allemands et la terreur en temps de guerre »
Aviation et psychologie

La terreur est l'une des parties fondamentales de la théorie allemande do la guerre. Clauzewitz l'a codifiée comme Montesquieu les principes de la liberté. L'essence de la guerre est le pendant germanique de l'Esprit des lois. Kultur et civilisation.
Axiome : « On ne pourra jamais introduire un principe modérateur dans la philosophie de la guerre sans commetIre une absurdité. » Conclusion : « La guerre est un acte de la force à l'emploi de laquelle il n'existe pas de limite; les belligérants s'imposent mutuellement la loi ; il en résulte une action réciproque qui, logiquement, doit conduire à l'extrême (1). »
Action réciproque. Ainsi, d'outretombe, le directeur de l'Ecole générale de guerre nous invite à répondre par les gaz aux gaz, par les raids aériens sur les villes allemandes aux raids aériens sur les villes anglaises et sur les nôtres.
Au cours de ses lentes, très lentes, évolutions vers des stades un peu meilleurs, l'humanité avait tenu à honneur d'introduire dans la guerre un principe modérateur. L'extension de ce principe, évidemment, comporte des limites. Ou la guerre ne serait plus la guerre. C'est l'emploi de la force qui est sans limites, dans la doctrine allemande. .
Bernhardi et tous les autres entregloseurs n'ont fait qu'amplifier Clauzewitz.
La terreur, par tous les moyens, rentrait déjà dans la stratégie des tribus germaniques. Tacite dit de l'une d'elles : « Les Aries, supérieurs en force à tous les autres peuples que je viens de nommer, ont de plus un aspect farouche ; ils ajoutent encore à leur férocité naturelle par l'art et par le choix des moments; ils teignent en noir leurs boucliers et tôus leur corps ; ils attendent pour combattre les nuits les plus obscures ; il n'est point d'ennemi qui résiste à ce spectacle nouveau et, pour ainsi dire, infernal. »
Novum ac ce lut infernum. On a progressé dans les arts infernaux. La formule reste exacte.
Mais cette théorie de la terreur ne repose pas seulement sur un raisonnement abstrait. Elle procède de sentiments plus intimes, du plus profond de l'être, de ses sources les plus cachées, de sa conception même des choses de la vie.
Le peuple Anglais, dont la morale est utilitaire, qui a donné la première place au commerce, se persuade qu'il faut surtout frapper l'ennemi dans ses intérêts économiques, matériels. Il n'a point tort.
Un peuple, comme le nôtre, qui est à ce point épris des belles idées et des beaux principes qu'il lui arrive de 11e pas résister à la logomachie qui les exploite, se persuade qu'il ébranlera, en les évoquant, l'âme de ses ennemis. - Cela s'est vu aux premiers temps de la Révolution et, même, sous Napoléon. Ne jamais oublier le mot de la vieille femme, le soir de la bataille de Leipzig : « Ce sont les nobles qui ont vaincu. » Déjà, des femmes crient : « La paix et du pain ! » aux oreilles dès altesses féodales et des seigneurs agrariens qu'enrichit la guerre. .
Un peuple, qui croit triompher des autres en portant chez eux la terreur, est accessible à la terreur.
Il le proclame lui-même, montre du doigt l'un des défauts de sa cuirasse.
Paris, lui, ne s'est pas effrayé au bruit des bombes de la nuit du 29. Dirai-je même que l'adorable ville d'Eve, l'éternelle Curieuse, ne s'est point assez inquiétée? Le zeppelin meurtrier, que la brume protège, a échappé aux avions. « Que faisaient les aviateurs? » La nuit suivante, par un ciel plus clair, les oiseaux dé garde mettent en fuite l'oiseau de proie. « Est-ce bien sûr que le rapace soit revenu? Zeppelin de gouvernement », dit Gavroche, qui sait la politique, qui a connu des radicaux de gouvernement sous des cabinets modérés. Il a fallu lui montrer les bombes.
D'autres villes n'ont point cette gaieté, qui marque la force de l'esprit.
Allons-y !

Polybe.

Problématique 
Comment, à la suite des guerres révolutionnaires et de la réflexion de Clausewitz, s’est construite et imposée une définition occidentale de la guerre classique ?

À quoi sert la guerre ?

Questions : 
1 - Lire le texte proposé. Précisez le contexte de rédaction.
2 - Déterminer quels sont les buts de guerre et les modalités d’affrontements des États abordés dans ce texte.
3 - Quel regard critique peut-on porter sur cette analyse ?

Document 2 : Extrait du journal impérial du 27 décembre 1805

Quelles sont les bases d’une guerre classique depuis le XIXe siècle ?

Questions
1 - Lire le texte d’Yves Lacoste (p.65-75) et définir quels sont les éléments permettant de définir la pensée de Clausewitz quant à la guerre.
2 – Classer ces éléments dans un tableau qui reprendra les approches spécifiques de HGGSP, à savoir une analyse prenant en compte l’Histoire, la Géographie, la Géopolitique et les Sciences politiques.

Il s’agit de mettre ici en avant la dimension géographique propre à l’auteur tout en rappelant les différents apports :

  • temps long avec la mise en perspective de la pérennité de la pensée de Clausewitz depuis le XIXe, de Lénine à Mao.
  • géopolitique à travers les références aux guerres entre États.
  • sciences politiques à travers les réflexion sur Raymond Aron ou les principes de la guerre révolutionnaire, de la place du peuple.
  • géographique à travers les nombreuses citations du géographe.

Document 3 (activité facultative) : Article Hérodote n°3, 1976, Yves Lacoste « Clauzewitz et la géographie »

Conclusion

Évaluation finale
1 – Lire attentivement cet article. Précisez son contexte de rédaction.
2 – Quelles sont les guerres évoquées ? Pourquoi l’auteur les compare-t-elle ?
3 - En quoi les analyses et exemples proposés rejoignent-ils, ou non, les définitions classiques de la guerre selon Clausewitz ?
4 - Quelles sont les principales critiques concernant cette dernière ? Précisez un courant de pensée, un adjectif qui pourrait qualifier cet article.
5- Quelle sont les limites de cette réflexion ?

Document 4 : La voie de la paix 1er janvier 1955 « Ces voix qui parlent de la guerre »

Ces voix qui parlent de la guerre

Dix ans après la fin de la guerre, il continue à paraître nombre de livres relatant les péripéties des combats ayant ensanglanté les continents.
Pour celui restant insensible peux exploits, dits glorieux, des soldats, pour celui pensant que la valeur et l'activité humaines ont bien d’autres emplois que ces boucheries collectives, que d’enseignements à tirer de toute cette littérature !

Penchons-nous donc sur quelques-uns des récits parus en 1954. Dans celui de la campagne d'Italie (1944), l’attaque d'un glacier (le Belvédère), suscite à l’auteur les réflexions suivantes : « Si jamais on arrive là-haut, toutes ces arêtes bondées d’artillerie, truffées de mitrailleuses et de mortiers, laisseront éclater leur fureur. Se maintenir sur place deviendra alors mieux qu’une gageure, une héroïque folie ».
Voilà le résultat des fautes, des erreurs, du manque d’envergure des dirigeants des pays. Par leur sottise chauvine, leur incapacité, leur incompréhension, ils on laissé passer l’heure de la paix véritable — après 1918 — et la guerre est revenue. Alors, on improvise et on lance à la mort, dans des conditions effroyables, la jeunesse du monde.
A propos du livre dont il est question ici, j'y trouve ceci encore : « A ceux qui pourraient s’interroger pour savoir si du côté français l’enjeu du débat justifiait de tels sacrifices ».
Ainsi, ceux même qui écrivent les épopées, montrent quelque remords ou quelque épouvante devant les flots de sang prodigués.

Un général de l'aviation allemande a décrit les batailles que ses appareils ont dû livrer en Europe. Écoutons-le : « On s’obstina dans des attaques diverses de jour, de nuit, contre les grandes agglomérations, contre les centres industriels, sans aucune vraisemblance de succès ». Démonstration que non seulement la guerre est meurtrière — et terriblement — mais encore qu'elle est inutile et à un tel point que les professionnels le constatent eux-mêmes. A propos de la campagne do Russie, l’auteur dit : « Nous nous efforcions d’exterminer une peuplade de fourmis, en tuant les insectes un à un, sans arriver à détruire la fourmilière ». Nouvel aveu de l'inutilité déjà marquée. Dans le cas présent, cela s'est soldé par des millions de morts, de blessés, de prisonniers.
A la fin de son livre, le général Galland écrit que ses escadrilles fondaient « à vue d’oeil dans le brasier aérien qu’était devenu le ciel de la Doutée France », ce qui représente, là aussi, des tués, des souffrances, de la chair meurtrie. écrasée, carbonisée.
Dans une interview, un autre chef allemand, des blindés celui-là. fait le récit de la campagne de Pologne en 1939 : « Les Polonais encerclés par la 3e panzerdivision lancèrent à la charge, pour faciliter leur retraite, la brigade de cavalerie Pomorska..., l'invraisemblable mission fut exécutée, et les cavaliers parvinrent à s'approcher îles chars jusqu’à lu mêlée ».
Il y a de quoi être plongé de stupeur et de colère devant cette vision : hommes et chevaux se jetant contre les mastodontes d’acier, crachant le feu. Est-ce pour cela que les mamans polonaises ont élevé leurs petits ?

Les aviateurs japonais, ceux des « avions - suicides ». ont laissé des lettres qui viennent d'être publiées (» Ces voix qui nous viennent de la mer », Galliard. id.). Le Journal de Genève écrit à ce sujet : « Tous les auteurs de ces lettres sont morts, mais leurs voix disent une dernière fois toute l’horreur des guerres, les désespoirs d'une jeunesse sacrifiée que les rites du code de l’honneur japonais obligèrent souvent à un suicide inutile ».
Car contrairement à l'opinion répandue, ces jeunes gens n'avaient pas envie de mourir. Ouvrons le volume. Une lettre s’exprime ainsi : « Je ne meurs pas volontaire, je ne meurs pas sans regret ». D'une autre : « Seuls nous naissons et seuls nous mourrons. Hier nous avons aimé, aujourd’hui nous souffrons el demain nous mourrons. L’humanité n’est que fragilité et misère ». Un troisième garçon dit : « Depuis que j’ai reçu mon ordre d’appel, j’ai peur de la mort et n’aspire plus qu’à vivre ». Dans une autre missive : « Une vie va disparaître comme la rosée du matin ». Et deux encore : « J’ai écrit à maman... et j’ai fondu en larmes » « La moitié de mes camarades pilotes sur des porte-avions ont déjà été tués ».
Comme on nous a menti en nous faisant croire à un Japon unanime dans la guerre. Il n’y avait qu’une caste militarisée ayant jeté son pays dans l'aventure.

D'ailleurs toute l’histoire — consacrée presque exclusivement aux exploits guerriers — n'est qu'un tissu de mensonges. Un nous représente des chefs glorieux, voués au seul service de leur pays, dévoués à sa grandeur, alors que souvent la vérité est autre.
Deux livres ont paru qui contiennent les souvenirs militaires de deux officiers de Napoléon. Et le journaliste qui en fait un important compte tendu indique ceci :
« Mais ils (les auteurs) s’accordent aussi pour dénoncer la gabegie qui régnait partout où son influence (à Napoléon) ne pouvait plus s’exercer directement et spécialement en Espagne, entre 1808 et 1813. Ney et Soult étaient à couteaux tirés, mais le premier ne pouvait souffrir Masséna et tous trois, peut-être, se fussent entendus pour mépriser Jourdan, généralissime de l’incapable roi Joseph. Les opérations souffrirent de. cette mésentente, d’autant plus que ni les uns ni les autres ne surent s’imposer à leurs troupes avec assez d’autorité morale, pour leur interdire le pillage, le vandalisme et les violences. »
Enfin, pour cerner le problème sous tous ses aspects, voilà ce que j'ai* découpé dans Le Monde (20 juillet 1954) : « Le projectile qui a frappé mortellement, sur la terre indochinoise. le chef d’escadrons Henri Dilo, du 1er régiment de chasseurs, n’a point seulement privé l’armée d’un jeune officier de grand courage et de haute valeur, il a du même coup mis en deuil la musique française au début de cette saison, rendant compte du Concerto pour alto et orchestre, dont l’Orchestre radios symphonique de Paris venait de donner la première audition, j’en constatais les mérites et notais combien cette musique, d’une facture très moderne, révélait l’originalité d’un véritable artiste qui, ayant quelque chose a dire, exprime avec une convaincante sincérité. »
Il a donc suffi d’une balle stupide, d’un éclat d’obus ne l’étant pas moins, pour briser à jamais une belle intelligence, un talent affirmé. Qu'on lise, au Panthéon, l’interminable liste des écrivains tués durant la guerre de 1914-18, qu’on y ajoute les artistes, les savants, et ceux de 1939-45, pour mesurer la perte intellectuelle irréparable que nous avons faite.

J’ai déjà cité l’anglais Norman Angel démontrant l’inutilité des guerres. Voilà un son de cloche semblable. Il vient de Russie et nous est rapporté par F Allemand Georg Bcrnhard (le suicide de la République allemande, Rieder 1933). Ce dernier relate qu'à l’époque des assises pacifistes de La Haye, le conseiller d’Etat russe Bloch rédigea un ouvrage sur la guerre de l’avenir. « Ce livre, écrit Bernhard, démontrait en termes très précis l’absurdité et l’inutilité des guerres ».
Enfin, pour terminer, je reproduirai une page de Walter Rathenau, autre allemand, qui a été assassiné.
« Ennemis, hommes, frères, écoulez... Vous et nous n’avons qu’une pensée : faire souffrir. Vous et nous, jubilons lorsque des hommes tombent du ciel en brûlant, lorsque des hommes étouffent dans l’océan, lorsque des hommes meurent déchiquetés et empoisonnés... Nous lisons en dînant des choses dont la millième partie devrait nous glacer d’effroi... L’intelligence humaine tout entière compte, calcule et rumine ; encore un nouveau moyen de combat, encore une nouvelle violence, encore une nouvelle manière de donner la mort. Sept millions d’êtres sont morts... Les croix dans les champs étendent leurs bras, les forêts dévastées allongent leurs branches tronquées, la croûte terrestre atteinte de la lèpre, les villes trépignées, regardent de leurs yeux éteints et témoignent contre nous et contre vous... Ennemis, frères, il est temps ! Il est très tard et chaque minute tue. » (Juillet 1918.)
Il n’y a rien à ajouter à ces lignes parées dans « La triple Révolution » (aux Éditions du Rhin, 1921). Rien, sinon cette phrase de Jaurès : « L’humanité est maudite si, /tour faire preuve de courage, elle est condamnée à tuer éternellement. ».

Robert Heiram

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