Interview

Une révolution des mobilités : le train, emblème du XIXe siècle

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Image d'Epinal du chemin de fer, estampe, circa 1860 - source : Gallica-BnF

Symbole de l’industrialisation de l’Europe, porte-drapeau d’une nouvelle maîtrise de la vitesse, le chemin de fer a radicalement transformé les mobilités des populations comme les paysages qu’il traverse. Discussion avec l’historien Arnaud Passalacqua.

Arnaud Passalacqua est historien des mobilités et possède une double formation, celle d’ingénieur et d’historien. Il enseigne actuellement les pratiques d’aménagement de l’espace et les politiques urbaines à l’École d’urbanisme de Paris. Il travaille également sur l’histoire des transports urbains, du vélo et du train.

En amont de son intervention au Printemps de l’histoire environnementale, nous avons discuté de l’arrivée du train dans le paysage français du milieu du XIXe siècle et de ses conséquences politiques et environnementales immédiates.

Propos recueillis par Julien Morel

Arnaud Passalacqua participe au festival Printemps de l’histoire environnementale, qui se tiendra du 1er au 16 juin 2023.

RetroNews : La Révolution industrielle, lorsqu’elle éclate, fait-elle naître immédiatement avec elle un immense désir de mobilité de la part des populations ?

Arnaud Passalacqua : L’histoire des transports a souvent été mise en avant pour illustrer la notion de « Révolution industrielle », à travers la figure emblématique de la locomotive à vapeur. Le basculement vers une histoire des mobilités invite à réviser assez lourdement ce schéma, de même que la notion de Révolution industrielle est dépassée au profit d’un processus d’industrialisation de temps plus long, aux racines largement ancrées dans le XVIIIe siècle.

C’est en effet dès cette époque que la mobilité s’accélère alors qu’elle se déploie surtout sur un réseau routier, dont l’amélioration permet des vitesses plus élevées. Simultanément, le rapport au temps évolue et la notion de ponctualité s’affirme. Le chemin de fer n’est donc pas le moteur de ce processus social mais son catalyseur. Il est indéniable qu’il a contribué à fortement augmenter les vitesses pratiquées et à massifier les flux, mais il est arrivé à un moment où la société était déjà lancée dans cette mutation.

Le voyage n’est pas une nouveauté du XIXe siècle. En revanche, ce qui est probablement plus nouveau est l’émergence du tourisme, une notion héritée des jeunes aristocrates britanniques qui se diffuse dans les valeurs bourgeoises, en particulier par la pratique ferroviaire, à partir du milieu du XIXe siècle, aidée par la création d’opérateurs comme le service lancé par Thomas Cook dans les années 1840. Elle est relayée, sous le Second Empire, par l’essor des stations balnéaires ou thermales, qui s’ouvrent peu à peu à des populations plus larges.

« Le chemin de fer devient le système dominant dans les esprits des milieux économiques et politiques, en particulier dans la France saint-simonienne, où on lui attribue des vertus multiples comme de développer la richesse et de propager la paix. »

Dans ce que vous nommez ce nouvel « écosystème des mobilités » du XIXe, quelle place le train occupe-t-il ? Est-il complémentaire du bateau, plus international ?

Lorsqu’il émerge,...

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