Écho de presse

Les horribles profanations du « vampire de Saint-Ouen »

le 28/05/2018 par Pierre Ancery
le 04/10/2017 par Pierre Ancery - modifié le 28/05/2018
« Le cimetière » ; estampe de Jean Emile Laboureur ; 1898 - source Gallica BnF

En 1886, Henri Blot, ancien fossoyeur, est arrêté et condamné pour avoir commis des actes sexuels sur deux cadavres qu'il a déterrés dans les cimetières de Saint-Ouen.

Le Petit Parisien du 15 juin 1886 raconte en détail deux crimes particulièrement atroces survenus à Saint-Ouen (Île-de-France), et dont on vient de retrouver l'auteur. Le premier :

 

« Le 26 mars dernier, on découvrait [...] un fait monstrueux : le cadavre d'une jeune fille de dix-huit ans, Fernande Méry, était trouvé couché au rebord de la fosse commune et on constatait qu'il avait subi un odieux attentat. »

 

Et le second, ayant eu lieu dans un autre cimetière de Saint-Ouen :

 

« Hier matin, plusieurs fossoyeurs se rendaient à la fosse commune, située dans la division. À peine y étaient-ils arrivés qu'ils reculèrent épouvantés. Un cercueil d'enfant avait été retiré de la fosse, le couvercle de ce cercueil avait été rejeté, et la bière était vide. […] La croix qui était plantée sur le cercueil déterré avait était brisée ; elle portait ces mots :

Pauline C.

Âgée de onze mois, née le 12 juillet 1885

[…] Le cadavre de la petite morte avait disparu. »

 

Le journal raconte qu'un certain Henri Blot, 27 ans (il en a réalité 26), ancien fossoyeur du second cimetière, a été appréhendé alors qu'il tentait d'escalader le mur pour sortir du cimetière. Dans une petite maison proche des lieux, on retrouve le cadavre de la petite Pauline. Les médecins constatent, raconte Le Petit Parisien, que celui-ci fut « l'objet d'attentats que la plume se refuse à nommer ».

 

Blot est arrêté et l'enquête montre qu'il est coupable des deux profanations : ayant à chaque fois beaucoup bu, il a déterré les deux cadavres et pratiqué sur eux des actes sexuels, avant de s'endormir à côté des corps (directement dans le cimetière dans le premier cas, dans la petite maison dans le second).

 

La presse est horrifiée, et multiplie les articles aux titres tapageurs. Le 17 juin, Jean Frollo, dans Le Petit Parisien, rapproche la nécrophilie de Blot du mythe du vampirisme, tel qu'évoqué par les légendes d'Europe de l'Est :

 

« Blot se contentait de violer les cadavres. D'autres vampires ne peuvent résister au besoin d'en lacérer la chair. On en a vu qui la mordaient ou même s'en repaissaient avec délices, poussés par on ne sait quelle anthropophagie macabre. […] Dans certaines contrées de l'Europe, dans les parties orientales surtout, les cas de vampirisme présentant ce dernier caractère paraissent avoir été beaucoup plus nombreux que dans nos régions occidentales ; de là, sans doute, les légendes terribles qui, trouvant un facile accès dans des cerveaux voués à la superstition par l'ignorance, s'y sont accréditées au point d'affoler véritablement par la peur des populations tout entières. »

 

Henri Blot est aussitôt surnommé « le vampire de Saint-Ouen ». On apprend qu'il battait sa femme, y compris alors qu'elle était enceinte, et voulut se livrer sur elle « à des actes contre nature ». Son aspect physique est décrit à l'envi : « Un assez joli garçon de vingt-six ans, à figure un peu blême. [...] Les yeux, profondément noirs, enfoncés dans l'orbite, sont clignotants. Il y a quelque chose de félin dans l'ensemble de sa physionomie », écrit Le Figaro. Le criminel témoigne au médecin qui l'interroge :

 

« La seconde fois j'avais bu de l'absinthe, du bitter et un peu de vin. J'ai le souvenir que j'étais tout à fait ivre. Je ne sais pas comment je suis venu vers le cimetière. Je me rappelle bien que j'ai escaladé le mur. À partir de ce moment je ne peux plus rien préciser, je ne me souviens absolument de rien. Comment j'ai pris l'enfant, comment je l'ai emporté dans la baraque, je n'en sais rien. Je me suis endormi et, le matin en m'éveillant j'ai été bien étonné de me trouver là. »

 

Blot n'est pas reconnu fou. Il sera condamné à deux ans de prison.