Écho de presse

1925 : « Le boucher de Hanovre », tueur de garçons

le 28/05/2018 par Marina Bellot
le 02/03/2018 par Marina Bellot - modifié le 28/05/2018
Fritz Haarmann conduit à son procès en décembre 1924 - source : Deutsches Bundesarchiv

Surnommé aussi « le Vampire de Hanovre », Fritz Haarmann a été reconnu coupable des meurtres de vingt-quatre jeunes hommes en 1925, au terme d'un procès spectaculaire.

Dans le chaos de l’Allemagne vaincue au lendemain de la Première Guerre mondiale, un tueur en série (l'expression n’existe pas encore) va sévir pendant six ans, de 1918 à 1924, en toute impunité. Viols, meurtres, anthropophagie... Les faits se déroulent à Hanovre, dans le milieu homosexuel. 

L'affaire, qui éclate au moment de l'arrestation de Fritz Haarmann en 1924, a tout pour passionner la presse. 

Paris-Soir commente ainsi, non sans dégoût :

« Dans Hanovre, port mondial, aux quartiers pittoresques, où grouille toute une population en mal d'aventures, parmi les “invertis” à la chair triste, les “sans probloques” et les filles de joie, Haarman [sic], dès 1918, boucher de son état, et “policier particulier” [il était indicateur pour la police allemande] raflait, pour ses orgies, un “bétail” humain. »​

Son procès, qui s’annonce hors du commun, s’ouvre en décembre 1924 après seulement trois mois et vingt jours d’instruction. Haarmann est jugé pour l'assassinat de vingt-quatre garçons et jeunes hommes. C'est un événement médiatique d’une telle ampleur qu'il fait la une de tous les journaux français, qui dépêchent outre-Rhin des envoyés spéciaux. 

« L'acte d'accusation ne comporte pas moins de 900 pages dactylographiées. Il renferme des détails si horribles que souvent les greffiers qui enregistraient les déclarations de l'assassin à l'instruction furent forcés de s’arrêter » rapporte Le Journal

À quoi ressemble le « monstre Haarmann » ainsi que le surnomme la presse ? Le Journal, toujours, le décrit ainsi : 

« Brun, trente-cinq ans à peine, un profil assez régulier, Haarman [sic] a une gueule de bête sauvage, plantée de dents bien conservées et très blanches. Ses mains par contre, sont horribles à voir. Ce sont de grosses mains, énormes et velues, aux doigts noueux ; de véritables mains d'étrangleur. »​

Le quotidien poursuit : 

« Le président, annonce que l'audition des témoins n'aurait lieu que lundi et qu'il prévoit que le procès durera une quinzaine de jours.

“Ce n'est pas la peine, s'écrie Haarman, dépêchez-vous, je veux être décapité, il faut que cela soit fini avant Noël.”

Le président ordonne que les témoins soient fouillés, car on l'a averti que certains d'entre eux veulent abattre l'accusé dans la salle d'audience. »​

Les faits sont, il est vrai, particulièrement sordides : 

« On rapporte que l'accusé ayant, après s'être livré au commerce des vieux habits, ouvert une espèce de fabrique de conserves, il aurait vendu à ses pratiques la chair de ses propres victimes.

On ajoute même que souvent il en aurait donné à manger à sa logeuse et il en aurait servi également à plusieurs des jeunes gens qui périrent ensuite de ses mains.

Mieux encore, Haarmann lui-même aurait très fréquemment consommé, après l'avoir préparée à sa façon, la chair de ses victimes. »​

Comment, pourquoi Haarmann en est-il arrivé là ? Entre fascination et horreur, La Petite Gironde dresse le portrait de ce  « Landru allemand » : 

« Entré à 17 ans à l'École de sous-officiers, il fut jugé inapte, puis renvoyé à la suite d’un coup de soleil qui le fit divaguer. Un an plus tard, il fut condamné pour une affaire de mœurs. On l'interna dans un asile d'aliénés, d'où il s'enfuit.

Sans métier fixe, tour à tour brocanteur, boucher, aide-pharmacien, marchand ambulant, mendiant, puis détective, il fréquenta les bas-fonds les plus sordides de Hambourg et de Berlin. [...]

Haarmann a-t-il commis tant de meurtres ? A-t-il obéi à des impulsions morbides ? Les experts médicaux ont rejeté cette hypothèse : l’admettre, c'eût été déclarer Haarmann irresponsable et le faire enfermer dans un asile d'aliénés, solution que n'eût point admise l'opinion publique d’outre-Rhin. »​

Le procès dure à peine deux semaines. Le 19 décembre 1924, Haarmann est déclaré coupable de vingt-quatre meurtres. Il est guillotiné « à la française » le 15 avril 1925.

« Alors que les exécutions capitales se font, en général, à la hache, on a eu recours, cette fois, à la guillotine », rapporte La Lanterne :

« L'exécution a eu lieu devant une quarantaine de personnes, magistrats, fonctionnaires et journalistes. Haarmann, qui avait refusé de solliciter sa grâce, est mort avec courage.

En arrivant dans la cour, il enleva lui-même se jaquette, remercia l'aumônier qui l'avait assisté et, échappant aux aides, courut jusqu'à la guillotine, s'agenouilla et passa sa tête dans la lunette. La seconde d'après, justice était faite. »​

Quelques années plus tard, un autre célèbre tueur en série allemand sera mis sous le feu des projecteurs. Il sévira à Dusseldörf, et inspirera Fritz Lang pour son film M le Maudit [voir notre article].