Généalogie

Un criminel dans la famille ? Découvrez ses méfaits dans RetroNews !

le 14/03/2023 par Tony Neulat
le 14/03/2023 par Tony Neulat - modifié le 14/03/2023

Les recherches généalogiques dans la presse ancienne réservent toujours des surprises. Des scoops incroyables, des anecdotes croustillantes, des détails insoupçonnés mais aussi de sombres découvertes… en particulier, quand un criminel fait son apparition dans le paysage familial.

Villefranche-de-Rouergue, nuit du 19 au 20 août 1928 : un pompier incendiaire, dénommé Jean Neulat, âgé de 26 ans, fait grand bruit dans la presse. Plus d’une quarantaine d’articles de journaux dans RetroNews relatent les sinistres exploits de ce pompier qui « allumait des incendies pour pouvoir les éteindre » et ainsi toucher « des primes de dévouement » en étant le premier sur les lieux.

Connaissez-vous la fonctionnalité « Fréquence du terme » de RetroNews ? C’est en exploitant cette option réservée aux abonnés (via le bouton « Fréquence du terme » situé en partie basse du moteur de recherche avancée) que j’ai découvert ce triste événement. En effet, elle permet d’afficher, sous forme de courbe, le nombre d’occurrences d’un mot dans la base des journaux, année après année. Un tel graphique, appliqué à un nom de famille, est particulièrement intéressant du point de vue généalogique puisqu’il permet de visualiser en un clin d’œil les faits marquants d’une famille à travers les pics de la courbe. Voici le résultat pour le patronyme « Neulat ».

Fréquence du terme « Neulat » entre 1810 et 1950 - source : RetroNews

Le pic de 1928 attire l’attention. En cliquant dessus, la liste des 76 pages associées s’affiche instantanément. La galerie des vignettes de journaux proposée est on ne peut plus éloquente : « La victime du pompier incendiaire est décédée », « Le cynisme du pompier incendiaire de Villefranche-de-Rouergue », « Il était temps qu’on mît fin aux exploits du pompier incendiaire », etc. Un pompier, dénommé Neulat, fait décidément parler de lui en 1928 ! Trions les résultats par date croissante, à l’aide du menu supérieur, pour mieux suivre cette affaire. C’est un journal régional, La Dépêche de Toulouse, en date du 20 août 1928, qui déclenche l’engouement pour ce fait divers :

« Un pompier incendiaire
Il voulait être le premier sur les lieux du sinistre
Villefranche-de-Rouergue, 19 août.
Vers minuit, un incendie était signalé, place de la Mairie, dans une maison habitée par Mme Coustau, ancienne meunière, s’occupant, ces derniers temps, de transports avec l’aide d’un domestique polonais.
Le feu qui avait pris naissance dans la remise à fourrage, eut vite fait de détruire l’immeuble attenant à la succursale du Crédit Lyonnais et à l’hôtel Moderne. […]
Au cours de ce sinistre, les agissements du pompier Neulat ayant paru suspects, il fut invité à se rendre à la gendarmerie où, pressé de questions, il avoua avoir allumé volontairement cet "incendie", ainsi que celui qui avait anéanti, il y a peu de jours, l’usine de M. Olié et l’hôtel des Voyageurs, appartenant à M. Pascal, et dont les pertes se chiffrent à un million environ.
Pour commettre cette malfaisante besogne, Neulat, qui a vingt-six ans, revêtait la tenue de pompier et, par la suite, affichait une certaine vanité d’être le premier sur les lieux du sinistre. Il est en état d’arrestation. »

La nouvelle est relayée, dès le lendemain, par nombre de titres à travers toute la France : La Dépêche de l’Aube, L’Ouest-Éclair de Rennes, Le Nouvelliste de Bretagne, Le Progrès de la Somme, L’Écho de Paris, Le Phare de la Loire, Le Petit Marseillais, Le Progrès de la Côte-d’Or, etc. C’est le premier enseignement de cette enquête : un fait divers très localisé peut sans difficulté inonder la presse ancienne locale et nationale, toujours friande de sensationnel.

À la lecture des divers journaux, nous constatons très tôt une forte redondance dans les articles qui se répètent les uns les autres, parfois mot pour mot. Néanmoins, certains précisent le prénom du pompier incendiaire, certains son âge, d’autres l’identité du gendarme ou du domestique de Mme Coustau, d’autres enfin l’âge du bourreau ou de sa victime. Il est donc essentiel de lire chaque article avec attention malgré leur forte répétitivité. C’est le deuxième enseignement.

Dès le lendemain, La Dépêche, en date du 21 août 1928, apporte quelques nouvelles complémentaires :

La victime, cette fois dénommée Coustou, est décédée des suites de ses brûlures. Quant à Jean Neulat, il a été transféré à la prison de Rodez.

Le Quotidien du 22 août 1928 ajoute que la victime « vient de mourir à l’Hôtel-Dieu ». Quant à  L’Ouest-Éclair du même jour, il fournit le mobile : « il avait agi ainsi pour toucher des primes de dévouement ». Le Phare de la Loire précise de son côté que « Neulat a été trouvé porteur d’une liste d’établissements et de maisons à incendier ». Le Petit Journal du 25 août 1928 noircit encore davantage le tableau et titre : « Le pompier incendiaire était aussi un voleur » :

L’analyse comparative de ces différents extraits de journaux permet ainsi d’identifier les compléments apportés par chaque titre de presse, mais aussi leurs divergences. Dans la plupart des articles, le pompier Neulat a 26 ans sauf dans La Dépêche de l’Aube qui lui en donne 35, par amalgame avec l’âge du domestique polonais de la victime. En outre, le nom de ce domestique varie d’un article à l’autre : Maszenezk, Maszeneze, Mazeuck, Masnèze… On pourrait penser que ces variations orthographiques découlent de l’origine étrangère du nom. Il n’en est rien. Le patronyme de la victime est tout aussi altéré, si ce n’est plus. Il est ainsi écrit, selon les journaux : Coustau, Cousteau, Coutau, Coustou, Coustaeu, Couteau, Constan. Il va sans dire que ces variantes, couplées aux imperfections possibles de l’océrisation automatique des journaux, peuvent masquer des résultats importants lors d’une recherche par patronyme. D’où la nécessité de toujours relancer ses recherches à partir de mots-clés différents, en particulier en exploitant d’autres noms propres cités de personnes ou de lieux. C’est le troisième enseignement de cette enquête. Dans notre exemple, nous pourrions ainsi réitérer notre recherche, restreinte à une période courte, sur les termes suivants : « pompier incendiaire », « maniaque criminel », « incendie Villefranche », « incendie Coustau », « pompier Villefranche », etc.

Relançons donc notre recherche sur l’expression « pompier incendiaire » limitée à la période courant du 01/08/1928 au 31/12/1928. Cela nous permet d’accéder à quelques extraits de journaux supplémentaires mais surtout à la magnifique Une en couleur du Petit Journal illustré du 2 septembre 1928.

Tentons d’en apprendre davantage sur les précédents incendies provoqués par Jean Neulat. Une recherche sur les termes « incendie Villefranche Rouergue » permet de dénicher l’extrait suivant du Petit Journal du 11 août 1928 :

« Un violent incendie détruit à Villefranche-de-Rouergue une scierie et un hôtel.
Villefranche-de-Rouergue. 10 août.
La nuit dernière, vers minuit, un incendie d’une violence inouïe s’est déclaré au quartier Saint-Jean et a entièrement détruit la scierie mécanique de M. Olié, ainsi que l’hôtel du Chevreuil, appartenant à M. Pascal »

Un article du 10 août 1928 dans Le Petit Marseillais complète le tableau.

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Qu’est devenu Jean Neulat ? Hélas, les diverses recherches sur les termes « tribunal Neulat », « Neulat Rodez », « Neulat prison », etc. ne permettent pas de retrouver de mentions de ce procès dans la presse ancienne. Néanmoins, une enquête élargie sur les mots-clés « pompier Villefranche prison » offre un résultat pour le moins troublant à travers La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean de Luz du 20 mars 1929 :

« Les trois médecins experts désignés par le Parquet général ont déposé leurs conclusions établissant la complète irresponsabilité d’Henri Melet, 26 ans, ce pompier qui mettait le feu à des immeubles à Villefranche-de-Rouergue, et était le premier à combattre l’incendie afin de recevoir une récompense. Ce malheureux se trouve toujours enfermé à la prison de Rodez. Il va être transféré sans retard dans un asile d’aliénés. »

Même si l’identité du pompier est curieusement erronée, il ne subsiste aucun doute qu’il s’agit de notre malfrat. Moralité : les recherches patronymiques n’ont pas réponse à tout.

Ainsi, ce cas concret illustre une nouvelle fois le caractère magique de RetroNews. Quelques recherches en ligne, quelques mots-clés et quelques clics nous ont permis de découvrir les tristes méfaits de Jean Neulat, un pompier incendiaire de 26 ans à Villefranche-de-Rouergue, qui « allumait des incendies pour pouvoir les éteindre » et ainsi toucher « des primes de dévouement ». Dans la nuit du 10 août 1928, il met le feu à la scierie mécanique de M. Olié, ainsi qu’à l’Hôtel du Chevreuil ou des Voyageurs, appartenant à M. Pascal. Dans la nuit du 19 au 20 août, il réitère en provoquant un incendie dans l’immeuble de Mme Coustau, situé place de la Mairie, dont les dégâts sont chiffrés à un million de francs. Lors de ce dernier incendie, Mme Coustau, ancienne meunière âgée de 76 ans, est grièvement brûlée et périt le lendemain à l’Hôtel-Dieu. La gendarmerie, interpelée par le comportement suspect du pompier Neulat l’appréhende et, pressé de questions, il finit par avouer ses crimes. Une liste d’établissements et de maisons à incendier est également retrouvée sur lui. Il reconnaît en outre avoir profité des incendies pour dérober des bijoux… Il est écroué et transféré à la prison de Rodez le lendemain, échappant de justesse à l’hystérie de la foule à son égard. Sept mois plus tard, alors qu’il est toujours enfermé dans la prison de Rodez, le verdict tombe : il est jugé irresponsable de ses actes et transféré dans un asile.

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Passionné de généalogie depuis l’âge de douze ans, Tony Neulat est rédacteur dans La Revue française de généalogie et membre de la European Academy of Genealogy. Il partage, depuis 2009, son expérience et ses conseils à travers ses publications et ses formations. Il est également auteur des guides Gallica et RetroNews : deux eldorados généalogiques, Retrouver ses ancêtres à Malte et Trouver des cousins inconnus ou perdus de vue.