Grands articles

« Pas un mot, ou vous êtes mort ! » : le braquage du rapide Paris-Marseille

le par

« L’attaque du Train n°5 », Le Petit Journal illustré, 7 août 1921 – source : RetroNews-BnF

En plein été 1921, trois braqueurs pénètrent dans un train reliant Paris à Marseille, dévalisent ses passagers, et tuent un innocent. Le lendemain, Le Journal fait le récit méticuleux de ce crime « à la manière forte du Far-West ».

Dans la nuit du 25 juillet 1921, trois « bandits masqués » prennent d’assaut le rapide n°5 reliant Paris à Marseille.  Les voyageurs des wagons de première classe sont dépouillés, et un jeune officier de l'armée, tentant d’opposer résistance aux voleurs, est abattu. Les agresseurs sautent du train en marche et disparaissent.

L'affaire sera largement commentée durant l'été 1921 ; deux des braqueurs seront bientôt appréhendés à Paris, tuant une nouvelle fois au passage un inspecteur de police  et étant abattus par la même occasion. Le dernier braqueur en vie, Mécislas Charrier, fils de l'écrivain anarchiste Mécislas Golberg, sera arrêté et jugé dans les semaines qui suivent. Il sera exécuté un an plus tard, chantant la Carmagnole.

Au lendemain de l’incident initial, Le Journal, fasciné, narre dans les moindres détails cet « extraordinaire attentat » .

_

Des bandits masqués attaquent, revolver au poing un wagon de première classe du rapide Paris-Marseille
_

ILS TUENT UN VOYAGEUR QUI TENTAIT DE LEUR RÉSISTER
_

Ils dévalisent les autres, tirent le signal d'alarme, et profitent de l'arrêt du train pour sauter sur la voie et disparaître dans la nuit

Dans notre vieille Europe, où le sens de la mesure limitait jusqu'ici l'audace des bandits, par le souci qu'ils gardaient de leur sécurité, les attaques à main armée de voyageurs endormis semblaient reléguées au même plan, dans l'histoire du crime, que le courrier de Lyon et autres coches à impériales.

Voici que la nouvelle école, brigandage brutal, sans merci, à la manière forte du Far-West, fait jusque chez nous des adeptes que l'impunité, il faut bien le dire, encourage à chaque exploit nouveau.

Cette fois, il s'agit de l'irruption de bandits armés dans un train rapide en pleine marche ; après avoir pillé, rançonné les voyageurs, après avoir tué le seul qui ait eu la velléité de se défendre, ce sont les agresseurs eux-mêmes qui ont fait tourner à leur profit le moyen unique laissé au public pour implorer secours contre un grand danger : la sonnette d'alarme ! C'est eux qui l'ont tirée ; elle a naturellement bien fonctionné, et ils ont profité de l'arrêt du train pour déguerpir.

Le rapide n°5

Le rapide Paris-Marseille quitte la gare de Lyon à 19 h. 55. Il porte le numéro 5.

Les stations sur le parcours sont rares. La première est Laroche, la seconde Dijon, où le train stoppe à 0 h. 50, pour repartir huit minutes après. Suivent près de trois heures de trajet avant que le convoi entre en gare de Mâcon.

Tout s'était passé normalement ; quand le train, suivant l'horaire prévu, eut dépassé Dijon, les voyageurs depuis longtemps dormaient, avec cet abandon que donne à tous la perspective d'une nuit entière en wagon. Soudain, un peu avant 2 heures du matin, alors que le train était lancé à 110 kilomètres à l'heure, entre Beaune et Chagny, et tout près de cette dernière station, le signal d'alarme fonctionna. Le convoi ralentit et s'immobilisa à proximité de la gare.

Le personnel du train fut appelé par des voyageurs occupant la dernière voiture de première classe, avant le fourgon de queue, dit voiture de frein. Les employés apprirent que peu auparavant trois individus masqués, armés de revolvers, avaient fait irruption dans ce wagon et sommé les voyageurs de leur remettre tout ce qu'ils avaient d'argent. Menacés de mort, plusieurs d'entre eux s'étaient exécutés ; l'un pourtant, un jeune officier nouvellement promu de l’École polytechnique, avait refusé d'obéir à la terrible injonction, et ce mouvement de révolte lui avait coûté la vie.

Son corps gisait, en effet, percé de deux balles, sur les coussins d'un compartiment. Leur coup fait, les malfaiteurs avaient eux-mêmes tiré le signal d'alarme, et quelques minutes avant l'arrêt du train, ils venaient de descendre à contre-voie pour se perdre à toutes jambes dans la campagne. La nuit avait favorisé leur fuite, tandis que le train, sur sa lancée, parcourait encore plusieurs centaines de mètres et venait s'arrêter à un peu plus d’un kilomètre de la gare de Chagny.

Dans la nuit

Quelle qu'ait été alors la bonne volonté des employés pour éclaircir les circonstances de ce drame et quel qu...

Cet article est réservé aux abonnés.
Accédez à l'intégralité de l'offre éditoriale et aux outils de recherche avancée.