Écho de presse

Saint-Exupéry, reporter en U.R.S.S.

le 26/10/2018 par Pierre Ancery
le 27/03/2016 par Pierre Ancery - modifié le 26/10/2018
Regard, 2 août 1946 - Source Gallica BnF

En 1935, le célèbre écrivain aviateur s’est rendu en Union soviétique. Publiés dans Paris-Soir, ses reportages évoquent la Russie de Staline sur un mode à la fois personnel et apolitique.

Avec la parution de Vol de nuit en 1931, Antoine de Saint-Exupéry devient célèbre. Mais ses finances sont au plus bas : tout en demeurant pilote, il se laisse convaincre de donner à la presse des articles qui lui permettront de subsister.

Jusqu’en 1934, il écrit dans Marianne, puis, à partir de 1935, dans Air France revue, Le Minotaure, Paris-Soir ou encore L’Intransigeant. Fin avril 1935, Paris-Soir l’envoie en reportage en U.R.S.S., en marge d’un voyage diplomatique effectué par Pierre Laval, venu conclure avec Staline le pacte d’assistance franco-soviétique.

Ces longs textes, dictés par téléphone, témoignent de la situation politique, économique et sociale dans la Russie de Staline. Le 16 mai, dans un article intitulé « Moscou : mais où est la Révolution ? », il décrit son premier contact avec la capitale, qui d’après lui, malgré la Révolution, ressemble à toutes les autres.

« Ainsi je découvre peu à peu combien j’ai été naïf d’avoir cru à des contes. J’ai suivi une fausse piste. J’ai attendu des signes mystérieux qui ne pouvaient m’être donnés. Et j’ai cherché comme un enfant les traces d’une révolution dans l’attitude d’un portier et dans l’ordonnance d’une vitrine. En deux heures de promenade on liquide ces illusions-là. »

Le 22, il évoque sa rencontre émouvante, à Moscou, avec une ancienne française, Madame Xavier, qui lui raconte ses souvenirs de la Révolution russe. Le 29, se rendant à l’Institut de physiologie expérimentale, il relate les bizarres expériences sur des chiens menées par le professeur Brukhomenko… Plutôt que de brosser des analyses trop générales sur le pays, Saint-Exupéry s’intéresse donc aux individus. Refusant de se positionner politiquement, il se contente de donner ses impressions, sur un mode souvent poétique. Ainsi, lorsqu’il raconte son voyage en train à travers la Pologne, c’est pour mieux livrer ses réflexions sur le sens du voyage :

« Je ne crois pas au pittoresque. J’ai sans doute trop voyagé pour ne point connaître combien il trompe. Tant qu’un spectacle nous amuse et nous intrigue, c’est que nous le jugeons encore du point de vue de l’étranger. C’est que nous n’avons pas compris son essence. Car l’essentiel d’une coutume, d’un rite, d’une règle de jeu, c’est le goût qu’ils donnent à la vie, c’est le sens de la vie qu’ils créent. Mais s’ils possèdent déjà ce pouvoir, ils n’apparaissent plus comme pittoresque mais comme naturels et simples. »

Début 1936, Paris-Soir réservera encore une place de choix à l'écrivain, en relatant sa mésaventure en Egypte, après qu'il a été obligé de poser son avion en plein désert lors d'un vol Paris-Saïgon. Puis ce sera l'Espagne et les grands articles de Saint-Exupéry sur la guerre civile, articles dans lesquels, fidèle à un journalisme détaché des passions partisanes, il révélera les exactions commises par les républicains.