Chronique

« Inversions » : les mésaventures d’une revue homosexuelle

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Page d'ouverture du premier numéro d'Inversions, 1924 - source : WikiCommons

Dans les Années folles, une parution au titre évocateur, Inversions, suscite le mépris grivois de l’ensemble de la presse française. Ainsi que l’ire de l’institution : ses deux fondateurs seront condamnés à de la prison ferme pour outrage aux bonnes mœurs.

Le 15 novembre 1924, paraît le premier numéro de la revue Inversions. Il ne s’agit pas du premier périodique français consacré à l’homosexualité, puisque en 1909, l’écrivain Jacques d’Adelswärd-Fersen avait lancé, pour quelques numéros seulement, la revue Akademos – laquelle prenait, il est vrai, le masque d’une « revue mensuelle d’art libre et de critique ».

Quinze ans plus tard (15 novembre 1924), Inversions se distingue par un ton nettement plus militant :

« Nous voulons crier aux invertis qu'ils sont des êtres normaux et sains, qu'ils ont le droit de vivre pleinement leur vie, qu'ils ne doivent pas, à une morale qu'ont créée des hétérosexuels, de normaliser leurs impressions et leurs sensations, de réprimer leurs désirs, de vaincre leurs passions. […]

INVERSIONS veut être leur Revue, ils y chanteront leur amour aussi beau, aussi noble que les autres amours. »

La revue surfait sur la publication de Corydon, de Gide, en juillet précédent, qui faisait elle-même suite au Sodome et Gomorrhe de Marcel Proust, en 1921-1922. Ainsi, même si « l’inversion », selon la terminologie encore dominante à l’époque, restait choquante, il devenait possible d’en parler dans l’espace public, autrement que sur un mode égrillard ou moralisateur.

Inversions, toutefois, n’a pas bénéficié de la même tolérance – relative – que pour les œuvres de Gide et de Proust. La revue avait été fondée par deux modestes employés montés de province à Paris, Gustave Beyria et Gaston Lestrade. Homosexuels passionnés de littérature, bons connaisseurs de la production allemande sur le sujet, lecteurs enthousiastes du Corydon, ils souhaitaient prolonger sa dynamique et le premier numéro (ibid.,15/11/1924) témoignait de leurs hautes ambitions :

« Nous étudierons ici les homosexuels, qui dans la littérature, les arts, la philosophie et la science, se classèrent parmi...

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