Écho de presse

Les « bas-bleus » au XIXe : les femmes de lettres face à la misogynie de la presse

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Portrait de George Sand par Eugène Delacroix, 1834 - source : Musée national Eugène-Delacroix-Domaine Public

Au XIXe siècle, les « femmes qui écrivent » héritent du qualificatif méprisant de « bas-bleu ». Elles sont l'objet des moqueries systématiques de la part des journalistes masculins, omnipotents dans la presse de l'époque.

Les « bas-bleu » : tel est le sobriquet dont les femmes de lettres du XIXe siècle se voient affublées par leurs contemporains. Le terme (toujours au masculin) est traduit de l'anglais blue stocking, qui désignait à l'origine les habitués du salon d'Elizabeth Montagu, dans l'Angleterre de la fin du XVIIIe.

En traversant la Manche au début du XIXe siècle, le mot prend une connotation péjorative et va stigmatiser ce que l'on appelle les « femmes qui écrivent ».

Les journaux de l'époque, entièrement contrôlés et rédigés par des hommes, sont les premiers à se moquer de ces femmes, issues en général de la bourgeoisie, qui voient leur légitimité presque systématiquement remise en cause dès qu'elles prétendent à une carrière littéraire ou journalistique. Le domaine des lettres est en effet perçu alors comme réservé à la part masculine de la population. 

En 1845, Le Journal des villes et des campagnes consacre un article aux « bas-bleus » et rappelle l'origine anglaise du terme :

« Lord Byron a fait une charmante nouvelle intitulée Bas-bleu. À cette époque il était de mode à Londres d’être un bas-bleu ; les femmes du plus haut rang aspiraient à mériter ce titre : écrire était devenu une véritable monomanie.

Le mot “bas bleu” et la monomanie passèrent ensemble le détroit, mais avec moins de succès qu à Londres. Les hommes se révoltèrent en apercevant des taches d’encre sur les jolies mains qu’ils aimaient à baiser, et des rides sur les fronts dont ils chantaient, dans leurs vers, le calme et la pureté. Ils eurent recours au ridicule, et chez nous le mot bas-bleu devint presque une injure !

Beaucoup de femmes jetèrent alors au feu leurs œuvres inachevées, et se déclarèrent femmes incomprises ; d’autres firent circuler dans le petit cercle de leurs intimes ce qu’elles appelaient un roman et ce qui n’était que le reflet romanesque de leurs sensations et les plaintes de leurs âmes trahies et desséchées. »

La même année, on peut voir dans Le Globe un personnage du feuilleton La Marquise de Noircastel, d'Eugène de Mirecourt, s'exclamer :

« Mais le bas-bleu est le fléau, la peste, le choléra de la littérature ! Le bas-bleu nous déborde, c’est un déluge... Et les hommes de lettres, vous, moi, tous nos frères de la presse, nous devons nous entendre pour opposer une digue à cet envahiss...

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