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1923 : L'Humanité hurle contre « l'abominable vénalité de la presse française »

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Une de L'Humanité incluant une photo du haut cadre des finances russes en France Arthur Raffalovich, 1923 - source : RetroNews-BnF

11 décembre 1923. En première page, L'Humanité crie à « l'abominable vénalité de la presse française ». La raison ? Des révélations sur un scandale médiatico-financier impliquant le représentant du ministère des Finances russe à Paris Arthur Raffalovich et de nombreux titres de presse.

Au travers de lettres échangées au début des années 1900 entre Arthur Raffalovich et le ministre des finances à Moscou, c'est une immense affaire historique de corruption qui s'étale à la Une du journal communiste.

Entre 1900 et 1914, on estime que l'ambassadeur a distribué 6,5 millions de francs-or à une centaine de bénéficiaires, dont une quarantaine de directeurs de journaux français. L'affaire Arthur Raffalovich s'inscrit dans le sillage des emprunts russes, série d'emprunts lancés sur les marchés financiers occidentaux au profit de l'Empire russe au début du XXe.

Courant 1920, André Morizet,  homme politique socialiste français, fait de troublantes révélations sur les pratiques douteuses de financement de la presse et leurs liens avec les récents emprunts russes et turcs, largement distribués en France. Certains journalistes commencent alors à enquêter, mais il faudra attendre encore quelques années pour que les plus probantes pièces à conviction soient découvertes. Entre le 5 décembre 1923 et le 30 mars 1924, c'est finalement l'intellectuel communiste Boris Souvarine qui, dans L’Humanité, publie une série d’articles incriminant différents journaux, lettres et télégrammes à l'appui.

Le scandale qui éclate alors est d'autant plus grand qu'il éclabousse l'ensemble de la presse française, de la gauche à la droite du spectre politique : le Matin, la Lanterne, le Petit Journal, le Temps, le Petit Parisien, l'Œuvre... C'est l'intégralité des grands titres ou presque qui sort entachée par ces très gênantes révélations, lesquelles disent beaucoup des relations d'alors entre Etats, finance et médias.

L'ABOMINABLE VÉNALITÉ DE LA PRESSE FRANÇAISE

« Le Petit Parisien » et le « Le Petit Journal » ne valent pas mieux que « Le Matin »

Rien de plus curieux que de suivre, dans la-presse à tout faire, les « jeux de physionomie », si l'on peut dire, des nervis inquiets de notre publication. Il en est qui ne sont pas encore nommés mais se défendent déjà ! Se défendre, pour eux, c'est accuser M. Raffalovitch d'avoir détourné à son profit les sommes à eux destinées ! L’Œuvre a déjà parlé d’escroquerie… M. Téry se plaint d'avoir été frustré !

Cette manœuvre n'a rien d'original. En 1906 déjà, elle avait été tentée, comme le prouve cette lettre de M. Davidov M. Ed. Nœtzlin :

Personnelle et confidentielle. 20 novembre 1906

 

Monsieur et cher collègue,

Il est parvenu au Ministère des Finances l’écho des rumeurs suivant lesquelles certains journaux français se plaindraient d’avoir été traités trop parcimonieusement lors des allocations faites à la presse ; l’on insinuerait même que les fonds à celà destinés n’auraient pas en partie reçu leur véritable destination et lesdits organes se ...

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