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Géo London, profession : chroniqueur judiciaire

Illustre reporter des grands procès de l’avant comme de l’après-guerre, Géo London dirigea pour le journal gaulliste Carrefour une chronique hebdomadaire, rendez-vous attendu des amateurs d’humour noir comme des inconditionnels de récits judicaires.

histoire de la presseGeo LondonreportagejusticeprocèsCarrefour
Anne Mathieu

Ecrit par

Anne Mathieu

Publié le

25 juin 2025

et modifié le 25 juin 2025

Image de couverture

Le reporter Geo London dessiné par Sennep dans Carrefour, 1951 - source : RetroNews-BnF

Illustre reporter des grands procès de l’avant comme de l’après-guerre, Géo London dirigea pour le journal gaulliste Carrefour une chronique hebdomadaire, rendez-vous attendu des amateurs d’humour noir comme des inconditionnels de récits judicaires.

Le 26 août 1944 paraît le premier numéro du journal Carrefour, sous-titré « La semaine en France et dans le monde ». L’Ours est déroulé en-dessous le bandeau du titre, et l’on y apprend notamment que Jean Sangnier en est le secrétaire général, le rédacteur en chef, G. Boutelleau, « détenu par la Gestapo » précise-t-on.

Cette première Une est composée notamment d’un article de François Mauriac, «  Servir la France ressuscitée », d’un portrait de Charles de Gaulle illustrant un article de Jacques-Napoléon Faure-Biguet dont il est le sujet, et de deux encadrés. L’un salue « la parution prochaine de l’hebdomadaire Les Lettres françaises » :

« Elles seront, dans la grande lumière d'aujourd'hui, le symbole d'une France qui jamais, malgré les pires menaces, n’a désespéré de son destin. »

L’autre s’attarde sur le caractère exceptionnel de la parution de ce nouveau journal, faisant partie de ces « quotidiens libres [qui] renaissent à la lumière ». Il constitue en fait l’éditorial de ce premier numéro, dont la conclusion est la suivante :

« Animé par une équipe d'hommes jeunes, unis dans une longue action au sein de la Résistance, Carrefour, lieu de rencontre des patriotes de bonne volonté, sera le soutien d'un régime épuré, capable d'assurer, dans le respect de nos libertés traditionnelles, les réformes de structure qui s'imposent dans l'ordre social, politique et économique, pour rendre à notre pays, exploité dans l'épreuve, une mystique et un dynamisme collectifs. »

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Parmi les collaborateurs qui deviendront des plumes attitrées de Carrefour, une signature éminente de l’avant-guerre, attaché alors au quotidien Le Journal et qui collabora aussi à de nombreux autres titres : Géo London (1883-1951 ; pseudonyme de Samuel Georges London), un des plus célèbres chroniqueurs et reporters judiciaires.

« A toutes les époques, le Palais de Justice a été le reflet de la vie de Paris, de ses peines comme de ses joies, de ses vertus comme de ses tares. » 

L’incipit de cet article de Géo London du 14 octobre 1944 pourrait résumer nombre de ses « Tableau[x] au palais de justice » qu’il va croquer à Carrefour. Ils vont être marqués par l’époque de l’Occupation, tant son ombre ne cesse encore et encore de se déployer, tant les procès en relation avec celle-ci se succèdent. Géo London les suit tous, exprimant dans ses chroniques son acuité à brosser les portraits des accusés et du personnel de justice, de même que sa verve contre ceux qui participèrent à l’édifice de collaboration.

Ainsi de l’article «  Georges Suarez devant ses juges », paru le 28 octobre 1944 et dont les premières lignes de l’exorde portent avec subtilité son admonestation :

« C’est au soir de la juste condamnation à mort de Georges Suarez, reconnu coupable de la pire forme du parricide : la trahison envers la mère patrie, que j'écris ces lignes. » 

Mais il poursuit, faisant montre d’une honnêteté qui fut toujours louée par ses confrères :

« Il ne fut ni mon ami, ni mon ennemi. Dans l'un ou l'autre cas, un devoir d'élémentaire pudeur m'imposerait aujourd'hui de céder cette rubrique à un autre. Mais je ne saurais oublier vingt années de rencontres professionnelles, au hasard de reportages divers.

Aussi, quelque dégoût que m'inspirât son crime, et bien que, juge, je lui eusse certainement refusé toute pitié, j'avais, je l'avoue, le cœur un peu serré quand je vis s'ouvrir la porte du box pour lui livrer passage. 

Qu'on excuse cet aveu ; il tient peut-être à ce que je ne me sens aucune vocation pour la danse du scalp. »

Jolie formule. Georges Suarez, journaliste collaborationniste, sera condamné à mort à l’issue de son procès. Et cet article de Géo London est un bel exemple de rhétorique, son exorde pathétique permettant d’autoriser une péroraison à la condamnation implacable :

« Non, rien, en vérité, ne pouvait arracher Suarez à son fatal destin. Les seuls témoins de l'accusation : ses centaines d'articles dont la longue lecture donna la nausée à tout l'auditoire, prouvaient lumineusement qu'il avait été embauché et emboché au service du Reich. 

Qu’importe après cela le nombre des audiences que lui accorda Otto Abetz ! Qu'importe que, comme on prend une assurance, il ait jugé habile d'intervenir auprès de ses maîtres allemands en faveur de quelques malheureux Français condamnés et qui, au reste, ne furent pas sauvés pour autant.

Au bas de ses articles, Suarez avait signé, avec son nom, son infâmie et son arrêt de mort. »

On l’a compris : Géo London, pour rendre l’identification du lecteur plus sensible, ne dédaigne pas faire montre de ses sentiments. L’incipit de ses «  Choses vues au procès Maurras », le 3 février 1945, en fournit un autre exemple :

« L'entrée de Charles Maurras dans le box des accusés de la cour de justice de Lyon demeurera inoubliable dans mon esprit. »

Il arrive que Géo London se déplace à l’étranger pour suivre des procès. Par exemple, en septembre 1946, il est à Vienne, en Autriche, pour le procès pour haute trahison du docteur Paul Lux, président du tribunal spécial de Vienne sous le régime nazi. Quittant la page 8 où elle est en général en bonne place, sa chronique parue le 12 septembre est cette fois-ci en page 2 :

« Le Benon autrichien devant la justice populaire. »

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C’est toutefois en France que Géo London officie la plupart du temps, et pas uniquement pour suivre les affaires politiques. Il fait partie des nombreux journalistes à couvrir un procès demeuré célèbre, celui de Marcel Petiot, qui avait assassiné et volé une vingtaine de personnes. Le 28 mars 1946, Carrefour titre humoristiquement son article : «  Procès Petiot, petiot procès ». Impressions d’audience :

« Mais, quoi qu’on en ait, il faut en convenir, Petiot fait recette. On n’avait encore jamais vu jusqu’ici le box de l’accusé pris d’assaut et l’assassin s’incliner gentiment devant une belle curieuse en lui disant :

— Je vous demande pardon, je crois que vous êtes à ma place.

Mais ce succès, que prouve-t-il, sinon qu’au Palais comme au théâtre, le public est devenu bien facile à contenter ? »

Car les chroniques de Géo London, ce sont aussi des réflexions sur la justice :

« La similitude entre le Palais et le théâtre m’a toujours frappé. Tous deux me passionnent et si j’avoue une préférence pour le premier, c’est que les rôles y sont généralement mieux tenus. »

Le 14 janvier 1948, une comparaison moins convenue est l’objet de son papier. Elle s’intitule «  En flânant dans la galerie marchande » :

« On a dit du canal de Suez et du Strand de Londres que c’étaient les deux points de la terre où l’on était certain de rencontrer tout le monde. 

On avait oublié la Galerie Marchande. »

Occupant la Une et continuant en page 4, ce papier possède une particularité remarquable car il est « un reportage de Géo London et J. Sennep ». Sennep est l’un des grands dessinateurs de la presse de droite avant-guerre et est désormais attaché au Figaro. Même s’il est dûment mentionné comme co-auteur du reportage – en tant que reporter-dessinateur –, Géo London n’en oublie pas de le mettre en scène dans son article, où il devient un acteur du procès qui se joue :

« A Sennep, qui m’accompagne aujourd'hui au coup de trois heures, je désigne les personnalités que nous croisons. Un monde bien mêlé. 

A travers le flot des robes noires circulent, comme je les ai toujours vus, de hauts magistrats et de bas aigrefins, des plaideurs lunaires ou fantomatiques, anxieux d’exhiber à n'importe qui des papiers crasseux formant le dossier d’un procès irréel.

Sous des dehors primesautiers, Me Lasne-Desvareilles est un avocat fort distingué et plein de sérieux. Loin de la barre et de son cabinet, il est irrésistible de drôlerie, de fantaisie spirituelle, et communique sa belle humeur jusqu’aux austères magistrats qu'il rencontre. Pénétrez après lui dans le cabinet du plus sévère juge d’instruction, vous trouverez celui-ci gai comme un pinson.

Ecoutez-le faire ses recommandations à l'ami Sennep, qui le croque :

— Je veux le front intelligent et le nez grec... Faites un effort... »

Géo London brosse le portrait de ceux dont on ne parle pas ou peu, tels les greffiers, ou tel un Maréchal des logis du nom de Baudry, auquel il rend hommage : « Ce bon Baudry, lui aussi, aurait bien des choses à raconter dans ses Mémoires » ; et dont Sennep dessine une caricature vivante.

Profitons de cet arrêt sur Sennep pour signaler que Carrefour donne la part belle aux illustrateurs, notamment sur ce thème de la justice. Lors du procès Kravchenko, l’édition du 2 février 1949 orne sa Une d’une colonne de «  Quelques exercices à la barre des témoins » : des « exercices » réalisés par des intellectuels renommés, dont les caricatures suscitent l’amusement du lecteur – dont celles de « Louis Martin-Chauffier (Club du CNE) », de « Joliot-Curie (Atomic Club universitaire) », de « Jean Bruller dit Vercors (Club du CNE). Elles sont signées Roland Moisan, célèbre dessinateur de la presse de gauche d’avant-guerre.

Nous l’écrivions plus haut : la période de l’Occupation est récurrente dans les articles de Géo London en cette période de l’après-guerre. Le 14 janvier 1948, il informe :

« En dépit de la guerre et de ses conséquences, de ses répercussions, le Palais d'aujourd’hui, endeuillé par la mort de ses héros et de ses martyrs, purgé de ses magistrats félons, épuré (en partie seulement) des avocats de l’Allemagne, demeure étonnamment semblable au Palais d’hier. »

On aura constaté toutefois que le sourire n’est jamais loin lorsqu’on lit Géo London, et que s’il disparaît dans une édition, c’est pour mieux s’épanouir dans une autre. En 1946, il publie un ouvrage, Justice sans larmes, illustré par Claude Guion. Carrefour en rend compte, sous la plume de Maurice Fleurent, et intitule la critique « La justice souriante de M. Géo London ».

Puis Géo London s’en va, un jour se septembre 1951. «  Nous ne le reverrons plus, notre vieux Géo… », s’intitule l’hommage de Pierre Scize, le 19 septembre 1951, où il le salue comme « un maître de la chronique judiciaire » ; un hommage illustré d’un portrait de Sennep. La rédaction de Carrefour écrit dans le chapô :

« Géo London était un collaborateur de la première heure de Carrefour. Il était de notre équipe. 

La peine que tous nos lecteurs ont éprouvée à l’annonce de sa mort, nul ne pouvait mieux l’exprimer que le grand chroniqueur judiciaire Pierre Scize qui fut son ami. » 

Ainsi, si l’hommage est rendu, Pierre Scize est-il adoubé comme son digne successeur. Attaché au Figaro, il poursuivra donc dans les pages de Carrefour la relève difficile de Géo London dont il s’acquittera parfaitement, avec son style propre. En septembre 1954, à l’occasion d’un article sur « 1954-1955 une grande année judiciaire », il s’arrêtera sur des échanges avec des confrères, sur ce « nous » qui désigne « les gens de la chronique judiciaire » :

« Nous sommes engagés dans cette spécialité. Nous avons reçu notre casquette, avec ce titre en lettres dorées. On nous a collé cette étiquette. 

Même mes amis contemporains, même ceux avec qui j’ai débuté, il y a... longtemps, ceux qui m'ont vu dans tant d'emplois : reporter, chroniqueur, critique en tous genres, auteur, conteur, globe-trotter, ont oublié mes successifs avatars comme j’ai oublié les leurs.

Je suis chroniqueur judiciaire. A vie. Ou plutôt — restons dans le vocabulaire de l’emploi — à perpète. »

Tout comme son illustre confrère, Géo London, auquel il avait choisi de rendre hommage également, en ce mois de septembre 1951 où survenait son décès, par une autre facette de son personnage. Ces mots pesaient d’un poids précieux, venant du résistant Pierre Scize :

« Dans l’épreuve un homme se révèle.

J’ai vu, quatre ans de suite, Géo London vivre à Lyon sous l'occupation. Il accumulait sur sa tête d’astrakan gris tous les signes exécrés par le vainqueur provisoire. Il ne se cacha jamais d’eux. Sans les provoquer, il soutint leurs regards.

Visible comme une puce sur un drap blanc, il dédaigna les retraites où les sages se terraient. Il ne sollicita personne dans un camp comme dans l’autre — et il avait des amis partout. 

Il lui fallut de la force d’âme. Il n’en manquât point. »

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Anne Mathieu

Ecrit par

Anne Mathieu

Spécialiste du reportage et des journalistes engagés et/ou militants des années 30, Anne Mathieu travaille aussi sur ces questions jusqu'à la fin du XXe siècle dans une perspective autant discursive que prosopographique. Maîtresse de conférences HDR, elle est responsable du corpus « Journalistes engagés » dans le Maitron. Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier et mouvement social. Elle dirige la revue Aden et est une collaboratrice régulière du Monde diplomatique. Son dernier ouvrage paru s'intitule Sur les routes du poison nazi. Reporters et reportrices de l'Anschluss à Munich (2024).

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