PRÉCÉDENT

Fortunio, 1 juillet 1924

SUIVANT

URL invalide

Fortunio
1 juillet 1924


Extrait du journal

C’est un vieux rêve humain ; mais ce héros de légende, incar nant le Désir en quête éternelle ne pouvait prendre l’ampleur d’un symbole qu’après la défense chrétienne. L’homme antique ignorait les joies prohibées, partant, la révolte et le repentir. L’in terdiction divine et le glaive de l’ange en évoquant le Mal éveil lèrent l’esprit de luxure et de péché. Et Don Juan ne pensera plus qu’à soulever le voile d’Isis dont l’antiquité ne se troublait pas. Ce révolté, constamment s’oppose à Dieu. Ce qu’il cherche dans le stupre c’est un bonheur strictement humain, à travers l’amour éphémère, c’est la connaissance de la chair ; il ne touche pas seulement au fruit défendu, il dévaste l’arbre entier. Mo quant l’Enfer il profane la créature, méprise les Sacrements, ricane et blasphème et tout cela est inspiré par un épouvantable orgueil, celui de se damner, de s’égaler à Dieu, de provoquer sa puissance, de passer sur la Terre au milieu des supplications et des larmes, comme un fléau. Les retouches qu’on a faites à ce visage ne sauraient nous cacher ses traits primitifs. Don Juan si légendaire et multiple qu’il soit pour nous, vivait sous l’Inquisition, en des temps de foi peureuse et bornée. Mais son esprit de conquête veut s’annexer des vérités de tout ordre. Andalou de haut lignage, homme vio lent et fatal qui a peut être du sang maure, on s’accorde à voir en lui un lettré. Pourquoi n’aurait-il pas lu Averroè's dans Cordoue et pénétré la parabole des Trois Imposteurs ? Nous con naissons à peine ses chétifs modèles : le Ténorio et le Manara. Mais il s’agit bien de lui créer un état civil ; il faut retrouver son âme. Elle est, dans une époque avide et sombre où passent les reflets de l’or et du bûcher, celle d’un libertin initié qui déjà...

À propos

Fondée en 1914 par le célèbre auteur provençal Marcel Pagnol, Fortunio était une revue littéraire, artistique et dramatique basée à Marseille. Le journal contribua à valoriser et à faire débattre nombre d'artistes malgré des difficultés financières. Devenue Cahiers du Sud en 1925 en passant sous la direction de Jean Ballard, la publication prit plus d’ampleur et devint l’un des rares titres littéraires provinciaux à être lu au niveau national et fit contribuer entre autres Antonin Artaud, Paul Eluard, Michel Leiris, Simone Weil ou Marguerite Yourcenar.

En savoir plus
Données de classification
  • mo
  • cordoue
  • fo
  • isis