Extrait du journal

prétexte de dire quelques mots à Jeanne, prend un bougeoir et passe un instant dans la pièce voisine, le mari croit enten dre un léger bruit de portes ouvertes et refermées avec précaution et comme roulement d’une voiture qui s’éloigne; mais il passe bien des fiacres la nuit dans les rues. L’amant, s’il y en avait un, a disparu. La crise n’a pas eu de suite, et quelques grains de sable introduits dans le trou de la serrure empêchent de rentrer chez lui monsieur, qui est bien forcé de demander pour cette nuit l’hospitalité à madame. Clotilde s’est arrêtée au bord de sa faute, si toutefois elle avait envie d’en commettre une, et f ve n’était pas là un moyen de réveiller l’indifférence d’un mari à bonnes fortunes. Quant à M. de Lfissac, ce cheveu blanc qu’attendait Clo tilde avec impatience lui dit qu’il est temps de donner sa démission de Don Juan et de prendre les invalides de Cythère dans l’intimité et les joies tranquil les du bonheur domestique. Nous n’avons pas la prétention do faire ici l’analyse d’une œuvre que tout le monde connaît : seulement notre but, en retraçant les principales lignes de celte composition si simple, a été d’iudiquer ie drame invisible sous la situation telle que l’a faite la société moderne. Le stoïcisme des sauvages consiste à suppor ter, sans en rien laisser paraître, les plus atroces douleurs physiques ; le stoïcisme des civilisés consiste à ne pas trahir leurs émotions morales. Entre gens bien élevés, un certain diapason ne doit pas être dé passé. Pas de cris, pas de fureurs, pas de déclamations, pas d apostrophes au ciel ni à la destinée. Un mot souligné, une ironie contenue, un sourire qui rit jaune, voilà tout ce que se permettent en cas de crise les maris ayant l’usage du monde. En poussant des soupirs, en lançaut des imprécations, ils paraîtraient s’intéresser à eux-mêmes, chose de mauvais goût ; ils se déclare raient susceptibles de parsien et s avone-...