Extrait du journal

Quelques-uns des écrits provoqués par la bataille de Picardie ont montré que le vocabulaire militaire, qui devrait être la précision même, reste déplorablement imprécis. Nous n'en voulons pour preuve que la confusion qui est faite si fréquem ment des termes de stratégie et de tacti que. Qu'on nous fasse la grâce de croire que nous ne soulevons pas ici une puérile querelle de mots. Mais la confusion des mots entraîne celle des notions, et on est ainsi conduit à des hypothèses souvent fautaisistes, quelquefois même inutile ment alarmantes. Et voilà qui ne va pas sans de sérieux inconvénients. Dans le langage courant, on a pris l'habitude d'accoler l'épithète de straté gique à tout ce qui est ou paraît grand, celle de tactique à tout ce tpii est ou pa raît petit. C'est ainsi que les opérations stratégiques, sont celles de large enver gure ; le but stratégique est celui qui est susceptible, quand il est atteint, d'influer sur l'issue de la guerre; les réserves stratégiques sont les grosses unités dont le commandant en chef se réserve l'em ploi. Dans le mêtne ordre d'idées, on répète que les lignes intérieures sont avantageuses en stratégie, funestes en tactique. On veut dire par là que sur un théâtre de guerre suffisamment vaste, sur un front de bataille tenu par des ■forces assez puissantes pour alimenter longtemps les combats sans crainte d'enveloppement, il y a avantage à ce que le front affecte une forme concave, parce que le jeu de navette des, réserves s'en trouve facilité et que leur apparition sur les points choisis parle commandement est plus rapide. Au contraire, manœuvrer tactiquement en lignes intérieures ne signifie pas autre chose que l'encerclement par l'ennemi, et indique par conséquent une situation dé sespérée. Le malheur est qu'il est à peu près im possible d'établir entre le- grand et le petit une démarcation qui ne soit pas purement arbitraire, et c'est ce qui rend celle terminologie éminemment vittieuse. Il est préférable de restaurer la définition admise par les bons auteurs militaires, à s'avoir que la stratégie est l'art de la con ception, qui ne s'apprend pas, et la tac tique la science de l'exécution, qui peut s'enseigner. . . . Toute opération de guerre, en effet,...