Extrait du journal

Nous avons été appelé ce matin à sur veiller la distribution de la viande dans une boucherie, et lé spectacle dont nous avons été témoin ne nous a pas réconcilié avec le régime réglementaire. Depuis hier, les boucheries qui demeurent - ouvertes sont transformées en « boucheries municipales », et la viande s'y débite pour le compte du gouvernement, propriétaire de tout notre stock de bétail ; les bouchers ne sont plus que des commissionnaires ou des facteurs chargés, moyennant une commission mo dérée, de la vente de la viande de boucherie au détail. C'est fort bien, et nous n'aurions que des objections secondaires à élever contre cé système, si toutes les boucheries particulières se trouvaient transformées en boucheries municipales, et si le boucher, devenu facteur, était autorisé à ne servir que son ancienne clientèle , en rationnant chacune de ses pratiques comme il est ra tionné lui-même. Mais il n'en est pas ainsi. Dans un arrondissement qui comptait .96 boucheries particulières , il n'y a que 24 boucheries municipales, soit 1 sur 4. Un boucher a donc à desservir quatre clientèles au lieu d'une ; de plus, comme il ne connaît que ses propres pratiques , il lui est impossibie.de savoir si dans la foule qui assiège son étal il n'y a point des acheteurs appartenant à d'autres arrondis semens, et il y en a. On se propose, à la vérité, de remédier à cet inconvénient endis tribuant des cartes de consommation portant l'indication du domicile de chaque mé nage etdunoinbre de bouchesdontilse com pose. Les consommateurs pourvus de ces cartes pourront seuls sa présenter dans les boucheries municipales de leur quartier il y aura un « ressort » pour les bouchers comme il y en a pour les notaires, et on leur distribuera la quantité de viande à laquelle ils auront droit. Cette quantité est actuellement fixée à 100 grammes par tête, ou plutôt par bouche. Ce complément de réglementation pourra bien empêcher sans doute les intrus des autres arrondisse mens de se -présenter à la boucherie mu nicipale , et si le recensement a été bien fait, il empêchera aussi qu'un célibataire ne reçoive la même ration qu'un ménage de dix personnes. Mais ce recense ment n'est pas facile à faire et les caries de consommation commencent seulement à être distribuées,• on fait queue" aux mairies pour les avoir. Enfin, eu admettant même que chacun ait sa carte et que le recense ment ait été exactement dressé, il faudra toujours qu'un boucher se charge de des servir quatre clientèles, et nous avons peur que l'encombrement aux grilles des élaux, pour être réglementé davantage, ne soit que faiblement diminué. En attendant, que se passe-t-il ? On a imaginé de distri buer des numéros pour empêcher la-foule en désordre de se ruer sur les élaux au mo ment où la vente commence. C'est fort ingénieux. Seulement, au lieu de se bat tre pour avoir sa ration, on se bat pour avoir son numéro. Ce matin, la distribution...