Extrait du journal

réprouvent le combat singulier et ceux qui le tiennent au moins pour un mal nécessaire ; il ne s'est même pas vrai semblablement préoccupé de donner un commencement de satisfaction aux hono rables députés qui ont déposé dans ces derniers temps de nouvelles propositions contre le duel, encore qu'il eût pu lui pa raître piquant de contenter du même coup Mgr Freppel et le « général » Cluseret 1 Non, le ministre s'est tout bonnement senti pris de pitié pour ces pauvres troupiers qui, ayant cru pouvoir recourir, pour terminer quelque vulgaire différend, aux argumens sommaires en vigueur aux champs et dans les faubourgs, se voient brusquement con trains de « descendra sur le pré » par un colonel pointilleux : il a pensé que le duel doit être d'autant moins obligatoire que le service l'est devenu davantage , que les parens lui sauraient bon gré d'avoir mis leurs fils à l'abri de semblables acci dens, par des dispositions tutélaires, et qu'en procédant par voie d'interdiction pure et simple, il s'éviterait des réclama tions toujours ennuyeuses, qu'elles soient privées ou transmises par la voie des journaux. En un mot, il s'est dit que la pire des brimades était celle qui s'exerçait ainsi de supérieur à inférieur, sans qu'il y eût moyen de s'y soustraire, et qu'il se devait à lui-même de l'abolir comme les autres. Encore une fois, tout cela est fort bien... et pourtant nous ne pouvons nous empêcher de regretter que le ministre de la guerre ait signé la circu laire à laquelle presque tous nos confrères sont en train d'applaudir, ou, du moins, qu'il ne se soit pas borné à recommander aux chefs de corps d'observer en pareille matière la plus grande circonspection. Il va sans dire que si nous faisons nos réserves, ce n'est point au nom du principe, de ce principe si discuté qu'il a peut-être fait verser encore plus d'encre que de sang. Nous pourrions résumer ce fameux débat en faisant observer que, si, théoriquement, tout le monde s'accorde à regarder le duel comme une chose déplorable, dans la pra tique, l'homme de cœur le plus chrétien n'hésite jamais à recourir aux armes pour venger certains outrages : mais ce ne serait vraiment pas le lieu, puisqu'il s'agit d'« affaires d'honneur » entre braves gens qui comprennent malaisément que l'honneur puisse être engagé par un échange de coups de poing ou d'injures, et qu'on peut justement ranger dans la catégorie des duellistes malgré eux. Encore moins ré clamerons-nous au nom du noble art de l'escrime, qui, contribuant à développer la force et l'adresse de l'homme, mérite incontestablement d'être encouragé dans l'armée plus que partout ailleurs : cet art n'a pas grand'chose à démêler avec le duel « par ordre », les malheureux qu'on oblige à croiser le fer ne sachant généralement guère le tenir, ni parfois même par quel bout le prendre. Si nous opinons pour la liberté, sagement réglementée, s'entend ! du duel militaire,, c'est pour une raison d'ordre tout pratique et parce qu'il con stitue pour la discipline un adjuvant aussi efficace que difficile à remplacer. Ce serait, en effet, une erreur de croire que la discipline, telle que les règlemens l'établissent, puisse suffire à tout et pour tous les cas : elle maintient rigoureuse ment l'ordre dans le rang et assure la ré pression de la moindre faute commise à propos du service ; mais elle serait impuis sante à maintenir dans les règles de la courtoisie, ou tout au moins à arrêter,...