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Journal des débats politiques et littéraires, 20 juillet 1839

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Journal des débats politiques et littéraires
20 juillet 1839


Extrait du journal

PARIS, 19 JUILLET. La question des sucres agite plusieurs des principales villes de France. A Bordeaux, la nouvelle de l'ajour nement du projet de loi présenté par le ministère, a soulevé le commerce. Les chefs des plus fortes mai sons ont déclaré formellement au préfet que, si le mi nistère n'usait pas du droit qu'il a de prononcer par ordonnance le dégrèvement, ils se verraient contraints de fermer leurs ateliers et de congédier leurs ouvriers. A Valenciennes, c'est au contraire la crainte du dé grèvement qui a mis, nous pourrions presque dire en insurrection, les fabricans de sucre indigène. Se faisant juges eux-mêmes de la question de savoir si le gou vernement a ou n'a pas le droit de prononcer le dégrè vement , sauf à faire ratifier plus tard la mésure par les Chambres, ils ont été jusqu'à menacer de refuser l'impôt dans le cas où le gouvernement s'arrêterait à cette dernière résolution. C'est-à-dire que pour préve nir une illégalité prétendue, dont, en tout cas, le gouvernement ne serait responsable que devant les Chambres, les fabricans de Valenciennes s'arrogeraient le droit de violer eux-mêmes la loi de la manière la plus flagrante et la plus coupable. A Lille, les plaintes, nous devons le reconnaître, ont gardé plus de mesure. Les fabricans de sucre de betterave se sont adressés au préfet pour faire parvenir au ministère une pétition contre ie dégrèvement qui ruinerait, disent-ils, leur commerce et les contraindrait à cesser leurs travaux. Ainsi voilà le Nord soulevé contre le Midi, le com merce intérieur contre le commerce maritime, les fa briques de sucre indigène contre les ports. De tous les côtés des réclamations, des cris, des menaces. Si vous ne dégrevez pas, nous mettrons nos ouvriers sur le pavé ! Si vous dégrevez, nous ne paierons pas l'impôt ! Le gouvernement a calmé l'agitation de Bordeaux et les justes plaintes du commerce maritime en s'engageant presque à remplacer, par une ordonnance, la loi de dégrèvement, sur laquelle la Chambre n'a pas même voulu délibérer; comment apaisera-t-il maintenant les fabricans de sucre indigène qui, pour se faire écou ter à leur tour, parlent de clore leurs ateliers et de re fuser l'impôt? (Voyez plus bas les nouvelles du dépar tement du Nord et la lettre des délégués du sucre de betterave.) C'est là une situation douloureuse et pleine.de périls. Mais, qui l'a fait naître ? Nous aurons le courage de le dire : c'est la Chambre des Députés, par son incroyable refus de prolonger la session de huit jours pour examiner la loi que le ministère lui avait présentée. Et quelle loi ? Une loi annoncée, promise depuis plus d'un an; une loi qui devait être l'ouvrage principal de cette session; une loi qiie nos colonies demandent en suppliant comme leur dernier moyen de salut, comme l'unique remède de leur détresse ; une loi dont la fabrique indigène elle même avait le plus urgent besoin pour mettre un terme à l'incertitude de sa position ; une loi, en un mot, qui n'aurait pas sans doute concilié toutes les prétentions, mais qui les aurait fait taire, parce que tout plie sous l'autorité incontestable de la loi, tout se résigne. Les fabricans de Valenciennes croiqnt que le commerce de Bordeaux a obtenu du ministère, en lui faisant peur, une promesse de dégrèvement. Us veulent à leur tour faire peur au gouvernement. Us espèrent lui faire ré tracter sa promesse par lés moyens même qui la lui ont, selon eux, arrachée. Ils prennent pour prétexte l'illégalité d'une ordonnance qu'à Bordeaux on trouve la chose du monde la plus légale. Ou menace presque ouvertement de se révolter contre une ordonnance. Qui aurait osé se soulever contre une loi ? Ce n'est pas que nous ayons, pour notre compte, le moindre doute sur le droit du gouvernement de pro noncer, s'il le juge nécessaire, le dégrèvement par or donnance. Il aura le courage d'user de son droit selon l'intérêt général du pays; il ne se laissera pas effrayer par la révolte des intérêts particuliers, nous le voulons bien. Mais enfin, pourquoi se le dissimuler ? le minis tère , malgré ses bonnes intentions et le courage per sonnel de ses membres, est faible comme autorité, comme gouvernement, if n'a pas encore pu prendre pied dans le pays. Tout le monde le menace, tout le monde lui fait des conditions, parce qu'il a besoin de tout le monde. Il appartient un peu à tous les partis et aucun parti ne lui appartient. C'est sa situation dans la Chambre. Comment ne serait-ce pas sa situation dans les provinces au moment où les divisions politiques sont encore aigries par la lutte violente des intérêts ? Pour faire fléchir sous une ordonnance tous ces intérêts rivaux et acharnés l'un contre l'autre, le ministère aura-t-il assez de force morale? Les menaces qu'on lui adresse ne seront-elles pas suivies de résistances fa tales ? N'y a-t-il pas un véritable danger à lui laisser porter seul la responsabilité d'une mesure qui ne con tentera les uns à demi qu'en excitant chez les autres un dépit et une colère extrêmes? Nous voulons croire qu'il y a dans les plaintes exagérées des fabricans de sucre indigène une effervescence de paroles que la réflexion et le temps calmeront. Des chefs d'ateliers, des hommes qui par leur importance sociale, par leurs richesses et par leurs lumières sont à la tête de la population, sen tiront que le désordre retomberait sur eux-mêmes. C'est déjà de leur part une bien haute imprudence que de faire une espèce d'appel aux passions de leurs ou vriers. Quoi qu'il en soit, par l'irritation que l'ajourne ment de la loi a déjà produite, par les embarras où cet ajournement a jeté le gouvernement, par les menaces et les plaintes qui éclatent de tous les côtés de la France, n'est-ce pas une mesure déjà jugée que ce fatal ajour nement ? Et dans l'avenir qui pourrait en calculer les conséquences ! La Chambre est bien pressée de s'en aller ! Quoi ! huit jours de plus sont au dessus de sa patience et de ses forces ? Qu'a-t-elle donc fait pendant cette triste session ? Où sont les lois nombreuses qui attestent son activité ? Avant les dernières élections, ta Chambre a épuisé toutes ses forces à renverser un ministère. Les partis ont déployé dans ce bel ouvrage un zèle et une : ardeur infatigables. Tout a été ajourné pour arriver à ; ce but, chemins de fer, canaux, questions de commerce et d'industrie. Sur la question des sucres, comme sur toutes les autres, on a dit aux intéressés qui souffraient..; Attendez, prenez patience.; npus.pous oc- . cuperons.de,.vous quandnous aurons, vidé nos que- J îwlles-personneilés.! Après les élections, nous avons eu 'jmrîers des partis, leurs réconciliations, leurVruptures, puis une émeute sanglante sous le feu de laquelle un j ministère s'est enfin formé. Il a fallu que ce ministère <...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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