PRÉCÉDENT

Journal des débats politiques et littéraires, 26 octobre 1928

SUIVANT

URL invalide

Journal des débats politiques et littéraires
26 octobre 1928


Extrait du journal

L'exposition annuelle des chiens de ber ger a eu lieu dimanche dernier, au Pàrc des Expositions, près.dë la porte de -Vèr sailles. Elle n'aura duré .qu'une seule jour née. C'est que, si les exposants sont jus tement fiers de faire admirer leur élevage, les exposés, eux, n'ont pas beaucoup de temps à perdre. Ils sont, à la ferme, d'im portants personnages. Bien avant l'heure, ou son ami le berger a l'habitude d'entrer dans l'étable tiède pour détacher les bêtes et les faire sortir, le chieq est assis sur le seuil, le poil raide et l'air soucieux de qui attend un retarda taire. Dès que tout ,le monde est dans la cour, son rôle commence : rassembler les bêtes, faire avancer celles qui veulent, en passant, faire halte à l'abreuvoir ou flairer quelque seau oublié dans un coin, s'assu rer que, dans le chemin creux, aucune ne s'attarde le long des haies, bref, conduire au pré ces bestiaux lents et distraits qui, évidemment, ne sauraient sans lui y aller. Une fois la troupe arrivée à destination et la barrière refermée, les vaches s'égail lent en un ordre dispersé qu'on croirait dû au hasard, mais qui a sa raison d'être. Le berger et son chien, de leur poste d'observation, veillent à ce que l'herbe soit méthodiquement tondue et que telle partie du pâturage, encore intacte, ne soit pas entamée avant que cette autre soit rasé. Qu'une bête fantaisiste ou gourmande i s'écarte un peu trop, l'homme lance aussi- j tôt sur elle son chien : « La Blonde, va la querre ! :> Celle qui est en faute, ja mais le clairvoyant gardien n'hésite à la reconnaître à travers le troupeau. Alors commence une galopade éperdue, corsée de rapides morsures aux jarrets ou à la queue, auxquelles ripostent de furieux coups de corne et de sournois coups de pied. Cette corrida, qui par instants a l'air d'un jeu, s'arrête net sur un rappel du berger. Et l'on se remet à brouter en paix, chaque vache étant escortée de deux ou trois poules, agiles à croquer les in sectes que font lever le mufle et les sabots de la bête. Ainsi, pendant des heures et des heures, le berger, drapé dans une ample limou sine, noblement appuyé sûr son aiguillon comme un pasteur sur sa crosse, veille au milieu du silence des champs. Son fidèle auxiliaire est humblement couché à ses pieds, regardant les bêtes dont il a charge et Celui dont il attend les ordres. On dirait que tous deux, graves et' médi tatifs, poursuivent un rêve commun... De loin, leurs silhouettes jumelles évoquent saint Roch et son inséparable compagnon, dont les naïves effigies ornent les églises villageoises. Le programme de cette exhibition aver tissait les intéressés : « Elles est ouverte à tous les chiens de berger, avec ou sans pedigree. 11 n'est tenu compte que de la beauté du chien et non de ses origines. » Ces chiens intelligents n'ont que faire d'ancêtres illustres. 11 leur suffit d'être hardis, dociles, prompts à deviner les in tentions des bêtes et à interpréter les gestes ou les paroles du maître. Loin de ressembler à ces chiens gras et serviles dont se gaussait le Loup de La Fontaine, ce sont des bêtes de plein air, maigres et musclées. Accoutumés à vivre durement, sous le soleil et la pluie, ils accomplissent avec sérieux une utile besogne, dont iis sont payés chichement par les reliefs du repas que le berger prend sur le pouce. Ils ont part au labeur pastoral, qui est à la base de la nourriture de leurs frères supérieurs. C'est peut-être à la conscience qu'ils ont de leur utilité et à la solitude où ils vivent qu'il faut attribuer leur mine affairée et leurs manières1 un peu brus ques. Ils ne prodiguent pas à tout venant leurs caresses, tels les chiens des villes, et réservent leurs marques d'amitié à celui dont ils sont les bons associés. Pour tous ces mérites, il est juste qu'une fois l'an nous leur témoignions un peu de reconnaissance et de sympathique atten tion. Nul doute, d'ailleurs, qu'ils y soient par faitement indifférents. Et, demain, Pa taud, dont les poils cachent un peu l'œil vif, courra derrière « la Blonde » indis ciplinée, sans penseï au diplôme que le jury parisien lui aura décerné. ALBERT DÊCHELETTE....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • lloyd george
  • krassine
  • churchill
  • coolidge
  • gibson
  • daily
  • schacht
  • gasparri
  • cassetta
  • gaetano de
  • france
  • angleterre
  • laï
  • paris
  • amérique
  • angers
  • berlin
  • afrique
  • allemagne
  • new-york
  • daily mail
  • kellogg
  • p. p. f
  • l. b.
  • parti radical
  • l'assemblée
  • compagnie générale aéropostale
  • pp