Extrait du journal

Il faut bien croire que le public s'inté resse aux questions d'enseignement, car on en parle partout. La Revue des Deux Mondes vient de consacrer au surmenage scolaire deux articles de M. Hunziker, qui fait entendre la voix des familles, des associations de parents d'élèves, c'est à-dire l'opinion des usagers, de ceux qui font les frais des. expériences hasardeuses et qui paient les pots cassés. Ils ont par faitement le droit de demander qu'on mette un peu d'ordre et de mesure dans le chaos prétentieux des programmes, et ils ont en outre parfaitement raison d'user de ce droit. Ce n'est pas des spécialistes qu'on peut espérer une juste appréciation de la valeur respective de leur spécialité. Ils sont là pour servir l'intérêt public, non pour dire où réside cet intérêt. En toute bonne foi, ils verront toujours l'intérêt public à travers le leur; le fondement de l'éducation leur' paraîtra toujours avoir pour colonne maîtresse celle à laquelle ils sont attachés. Il ne faut pas confondre l'éducation nationale avec la pédagogie professionnelle. Cette vérité commence à faire son chemin. Le malheur, c'est qu'on réclame des choses contradictoires. On réclame pour les élites une formation générale de l'es prit, et en même temps une préparation à la vie pratique. C'est courir deux lièvres à la fois. On fatigue le chien et on rentre bredouille. On était plus sage et moins pressé autrefois. Dans un article fort judi cieux de Y Ouest-Eclair, un vieil universi taire, mais non un universitaire prati quant dans l'enseignement secondaire, M. Charles Turgem, doyen honoraire de la Faculté de droit de Rennes, cite un mot typique du philosophe Joubert : « Ins truit avec quelque lenteur, sans grand ap pareil et d'une manière insensible, on se croyait peu savant, écrivait-il à Fontanes, et l'on se conservait modeste. » C'est ce qui donnait aux hommes cultivés d'alors un charme, une distinction de pensée et de parole, un agrément inégalable dans le commerce de chaque jour. Ce terme même de « commerce » n'est plus compris au jourd'hui. Il n'a même plus pour les jeunes un petit air vieillot, il n'évoque rien : le seul commerce dont ils aient entendu par ler est celui qui paie....