Extrait du journal

Quel singulier chemin il a suivi ce toqué de Savary, du drame d'Isabelle ébauché au collège à celui de l'adultère Lamy, parachevé sur le canapé crébillonesque qui fait rougir le pudique Georges, tribunalier ! Et dire qu'il a trouvé le moyen d'être, entre temps, soUs-ministre ! Voilà qui donne une fière idée des rhétoriciens de Bonaparte en 1862! Que sont-ils devenus ces camarades de tous les jours pendant dix ans, et qu'on perd brusquement de vue et même de mémoire au premier tournant de la vie? J'aperçois encore au fond des brumes du souvenir quelques-unes de ces phy sionomies, alors fraîches et imberbes, aujourd'hui barbues, fatiguées par le travail, convulsées par les passions, fourbues par le jeu de la vie, ou encore immobilisées à jamais par la mort. Quelques-uns, bien peu, sont restés des contemporains qu'on coudoie ,ou des amis qu'on recherche ; le plus grand nombre a plongé dans la nuit de l'ou bli. Vingt années, la merveilleuse éponge à tarir une génération ! Evoquons les noms conservés, les fi gures non effacées ; les morts d'abord : c'est ce bon Antony Jeunesse, connu dans la bohème du quartier Latin, dont il partagea les luttes politiques sous ce sobriquet : le Propriétaire! dû à la possession d'un bel immeuble rue de...