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L’Écho de Paris, 14 mars 1892

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L’Écho de Paris
14 mars 1892


Extrait du journal

Cabinet directorial Lk directeur, jeune et intelligent selon la formule de l'emploi, aussi content de luimême que de sa haute situation, aimable et loquace, le sourire sur les lèvres avec, au fond du cœur, l'ambition démesurée d'un enfant de chœur rêvant de devenir pape-, d'ailleurs sympathique en ses heu res de lucidité — se parlant à lui-même. Le syndicat, il n'y que ça ! il n'y a que ça ! (Au garçon de bureau qui, une carte à la main, se permet de le déranger) Je vous ai déjà dit que je ne recevrais personne. Je n'y suis ;fjjie..pour Bisson ou Meilhac... Est-ce compris ? le garçon Si monsieur le directeur veut bien prendre seulement la peine de jeter un coup d'oeil sur cette carte... le directeur, condescendant Voyons !... (Après avoir lu le nom du, vi siteur) Diable !... C'est juste : j'y suis égale ment pour Messieurs les actionnaires. (Au garçon) Faites entrer. un actionnaire, aussitôt introduit Qu'ai-je appris, mon cher directeur?... Vous préparez des réformes chez nous ? le directeur Le besoin s'en fait sentir. l'actionnaire Croyez-vous ? le directeur Je me dois à moi-même de ne point suivre les errements de mon prédécesseur. Ne trou vez-vous pas qu'ils ont trop duré ? l'actionnaire Quand je gagne de l'argent, je ne me lasse jamais des errements qui me le font empo cher. le directeur J'entends bien, cependant, ne pas payer autant de droit dés pauvres qu'en paya laprécédërite administration. l'actionnaire Payez-en donc davantage si vous pouvez faire assez de recettes pour cela ! le directeur En attendant que j'arrive à dompter l'As sistance publique, je vais traiter les journaux comme ils le méritent. Plus de répétitions gé nérales devant la presse ; suppression du ser vice de premières pour ies critiques qui ont cessé de me plaire. l'actionnaire Vous oubliez que ces messieurs se sont syndiqués aussi ; 11 y a solidarité absolue en tre eux. Qui en offense un offense tous les autres. Autant déclarer de suite que vous supprimez toute la critique. le directeur Soit. Je ne suis pas à une suppression prés. l'actionnaire Mais alors, les journaux parisiens, dont le tirage est vingt fois plus considérable qu'il y a dix ans, et qui constituent, pour la plupart, des entreprises industrielles plus importantes que nos malheureux théâtres, ne manqueront pas d'user dé représailles. le directeur Èt après;?... Leurs courriéristes n'insére ront plus nos notes officieuses qui, le plus souvent, lorsqu'elles émanent de mes con frères et co-syndiqués, sont idiotes autant qu'inutiles : où sera le mal ? l'actionnaire Pardon? vous oubliez l'avantage commer cialement indiscutable que nous fait la presse en insérant chaque jour, dans ses millions d'exemplaires, le programme des spectacles, sans préjudice des annonces de matinées ré pétées deux fois par semaine. le directeur, dédaigneux Bali t... la publicité : qu'est-ce que c'est que cela ? l'actionnaire Une chose indispensable au temps ou nous vivons et que les directeurs de journaux vont bientôt, parait-il, nous faire payer fort cher. le directeur En ce cas, nous leur refuserons les billets de faveur....

À propos

Fondé en 1884 par Aurélien Scholl et Valentin Simond, L’Écho de Paris était un grand quotidien catholique et conservateur. Il était sous la coupe financière du célèbre homme d'affaires Edmond Blanc, propriétaire notamment de plusieurs casinos et hôtels de luxe à Monte-Carlo.

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