Extrait du journal

Si l'on avait dit an public : « Pour venir en aide à une très belle œuvre, très touchante, très émou vante, la Comédie-Française va luxueusement monter la plus belle pièce deson répertoire classique et les pension naires les phis'célèbres de l'illustre maison joueront cette pièce de tout leur cœur et avec tout leur talent »... oui, si l'on avait dit cela, combien de personnes eussent payé leur entrée deux cents francs pour aller passer un moment, ce soir, au Théâtre-Français ?... Mais les organisateurs, plus ingénieux, et — à raison — soucieux de récolter beaucoup d'argent pour leur œuvre si sympathique, les organisateurs ont annoncé de tous côtés : « Sur cette scène sévère, où. vous avez l'habitude de voir Polyeucte, Hernani et Isidore Lechat, nous vous présenterons ce soir le qua drille du Moulin-Rouge, et "le défilé des amoureux à travers les âges, et Richard cœur de Lion chanté par deux des plus grands acteurs comiques d'aujourd'hui, et toute une série de clous de music-hall... » — Et alors, on s'est précipité... Ainsi donc, une fois de plus, ïl nous est donné .de constater que le vieil adage: Chaque chose à sa place a fait son temps — et que le seul moyen de remuer aujour d'hui l'opinion — et de la faire payer — consiste à surprendre le public par des contrastes inattendus gui, seuls, l'attirent et le séduisent... Quelle belle leçon il serait possible de tirer d'une constatation aussi flagrante!... Et pourquoi ceux qui sont chargés de résoudre la crise n'ont-ils jamais songé à exploiter — sur une grande échelle — ce goût nouveau du public 1932 ?... •Qu'on fasse vendre des parfums par des charcutiers, des produits pharmaceu tiques par des fleuristes et de la viande par des modistes... Qu'on organise des ventes de charité dans des bureaux de poste, des séances de cinéma à la Bourse des valeurs, et des marchés aux diamants dans les catacombes-—et la crise sera terminée... ...Il n'y aura plus que la question des crises de nerfs à régler... Prospër....