Extrait du journal

Muguette alors releva son visage. A la lueur du bec de gaz, elle vit que les yeux qui la re gardaient étaient très doux et très francs. Elle comprit que « celui-ci • ne ressemblait pas aux autres et qu’en échange de ce qu’il offrait il ne demanderait rien, oh I mais rien. Et, juste ment parce que cet homme se montrait ainsi généreux envers elle, Muguette se sentit deve nir prodigue envers lui. Timidement, très timidement, elle balbutia ces phrases incomplètes : — Tout à l’heure vous avez dit au commis saire que j’étais votre amie... Si j’étais votre amie... Vous avez l’air si bon ! — Mon amie 1 répéta le sérieux Jacques Re naud, un peu troublé. Et. après avoir, encore une fois, enveloppé de son regard la charmante créature : — Oui, dit-il, vous seriez évidemment une gentille camarade, mais... — Vous en avez une autre... amie, peut-être ? — Non, je veux dire que Je ne pourrais vous donner que très peu, trop peu de ma vie. Je dois vous prévenir, ma pauvre enfant. Il fau drait nous séparer bientôt peut-être. Je ne me m’appartiens pas. Je ne puis davantage vous appartenir. Réfléchissez... — Oh ! fit-elle avec un triste sourire, la vie jusqu’ici ne m’a pas donné le droit d’être bien exigeante. C’est tout réfléchi. Puis, câline, appuyant sa tête contre l’épaule du jeune homme et se donnant ainsi plus que, depuis, elle ne se donna jamais, la petite Mu guette dit à Jacques Renaud ces mots adorables de faiblesse instinctive et de confiance ingénue : — Protégez-moi. ... Dès le lendemain, le jeune homme choisit, pour sa nouvelle amie, un logement modeste...