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L’Ère nouvelle, 12 juin 1922

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L’Ère nouvelle
12 juin 1922


Extrait du journal

Les gens du Bloc National ne peuvent se consoler de leur échec aux élections cantonales. Sur les ailes du temps, leur tristesse ne j s envole pas. Mornes et la tête baissée, ils j entrevoient leur fin prochaine. Et, comme ] les généraux qui perdirent la bataille, ils tournent et retournent sans cesse, dans leur cerveau étroit, les causes de leur défaite : une grande tempête sous de petits crânes. Accuser le Préfet, dénoncer le Sous-Préjet et iAgent voyer fut tôt fait. A entendre les récriminations des Aragouins se plaignant du dessèchement de leur mare stagnante. Maurice Maunoury et M. Raymond Poin caré contractèrent cette irritante affection i qu'on appelle le bourdonnement d’oreilles, j Les voici maintenant qui s’en prennent ) aux abstentionnistes, et décrètent leur mort à la Commission du suffrage universel. Les électeurs du Centre qui furent, en mil neuf cent dix-neuf, leurs partisans et qui, au printemps de cette année, mécontents de leurs mandataires, refusèrent de leur faire confiance, seront, dorénavant, traînés au scrutin par le gendarme ou le garde champêtre. — l u coteras, Jacques, ou tu payeras l’amende. — Mais, s’il me plaît à moi de tirer les moineaux, parce que je ne veux pas, pour vous, tirer tes marrons du feu ? — On ne te demande point ton sentiment. I ote, sinon, gare au percepteurI — Je suis un homme libre. Du moins, on me l’a dit. Vous me donnez à choisir entre M. Chéron (Henri) et M. Magallon (Xaviet de) ; je reste chez moi. — Le cas que tu cites est extrême. V oici un radical et un Aragouin en présence. — Je fus aragouin ; je ne le suis plus ; et le radicalisme n’est pas mon parti. Voteraije contre ma conscience ? A la fin, laissezmoi tranquille ! La Déclaration des Droits ne m’assujettit pas à soutenir qui me déplaît. Je ne vote pas, car tel est mon bon plaisir. Que me voulez-vous, encore ? Me contraindre à adorer le Gouvernement du jour, à sortir du célibat, à remercier Henri Chéron, père de la vie bon marché ? Je ne suis pas respon sable de la mauvaise humeur de M. Barthé lemy, qui fut battu à plaies coutures dans le Gers, et qui ne s’en console pas. M. Bar thélémy est Professeur de droit; je ne suis pas son élève. Heureusement, fl fait adopter par la Commission du Suffrage universel le vote obligatoire. Est-ce que ce M. Barthé lemy veut, par hasard, régenter ma conscien ce, et faire, d’une nation libre, un troupeau qu'on poussera aux urnes à coups de fouet? Je voterai si ma raison me l’ordonne, et n’ai que faire du pédantisme d’un professeur Bar thélemy, auquel les électeurs du Gers ont donné une leçon de morale civique. » Telle est la réponse de Jacques. Je vous la livre, sans T orner de commentaires. Je me permets seulement de présenter une simple observation à mes anciens collègues De mon temps, on se serait bien gardé de toucher aux abstentionnistes. Ils étaient la suprême ressource, pour expliquer un échec. Le soir lugubre de la défaite, quand l’im mensité du désastre apparaissait, lorsque les navrants télégrammes s amoncelaient sur la table, la belle mère, tragique, du député se dressait, vengeresse de l’honneur de sa fille, effondrée dans un fauteuil; et, se tournant ver$ son gendre dépouillé de son écharpe, elle lui tenait d’amers propos : « Monsieur, j’avais cru donner ma fille à un homme de Valeur f » Quelle était la réplique ? « C’est la faute des abstentionnistes. Mon succès apparaissait si certain que nombre de mes amis n ont pas voté. » Dans ces moments douloureux, c’était le beaume sur la blessure. Le gendre, la fille et la belle-mère s’unissaient dans les mêmes sanglots et les espérances pareilles. Touchant tableau de famille que Greuze aurait aimé peindre. Demain, de par le professeur Barthélemy, qui n’a pas de cœur, la sécheresse inexora ble des chiffres précis tarira toutes les larmes. Georges PONSOT....

À propos

L’Ère nouvelle a été fondée en décembre 1919 par deux socialistes déterminés, blessés de guerre : Yvon Delbos (1885-1956) et Gaston Vidal (1888-1949). Elle se définit en se sous-titrant « L’Organe de l’entente des gauches », et restera tout au long de son existence proche du parti radical. Malgré son faible tirage, le journal exerçait une influence importante dans le monde parlementaire.

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