Extrait du journal

Je reprends, exprès, le titre d'un article de Jules Vallès qui fit sensation à l'époque, car il s'y prononçait de la façon la plus formelle, pour que les jeunes écrivains, tout au moins, livrés à leurs seules ressources, ne dépendissent pas uniquement de leurs essais littéraires. Un métier, disait-il, un. métier, celui que vous voudrez, manuel ou administratif, celui auquel vous serez apte, mais qui, moyennant le sacrifice du tiers de votre liberté matérielle assurera votre dignité morale, votre sécurité, vous permettra, le restant de la journée,' de vous adonner aux « Muses autant qu'il vous plaira. et tant que vous n'aurez pas trop somméil Sinon vous êtes perdus, destinés à devenir des piliers ̃ d'estaminet, des clients de cénacles, des thuriféraires de celui qui « règle » la pile de soucoupes. des ratés Sans compter le reste la dette toujours grossissante qui aboutit à l'escroquerie. Et si la rue de la Vieille-Lanterne a disparu, la corde pend toujours après laquelle s'accrocha le pauvre Gérard de Nerval. Et les droits de 4'Idéal ? ripostait 'fougueusement ce petit Polignac qui, loyal, révolté, chevaleresque, est demeuré l'un des-bons souvenirs f ma longue carrière Polignac qui n'avait jamais pu s'accommoder de l'atmosphère du bureau, « nuisible à l'inspiration ». L'Idéal! s'exclamait Vallès avec un rire sonore dont tressautaient les vitres, 'l'Idéal, mon garçon, c'est de ne pas trembler devant son logeur, sa blanchisseuse et son gargotier, c'est d'être un homme libré La nécessité vous mène à des platitudes. et alors vous êtes fichu Si vous n'avez pas des parents qui vous aident, une petite rente, une base d'existence si faible soit-elle, un métier, ieune homme, un métier. Sans camp-, tér que ça vous éduque rudement, pour peu que vous ayez de la jugeote, de l'œil et de l'oreille...