Extrait du journal

C’est dé l’Etat que je veux parler, & pro pos de la question du pain cher. Il est une remarque qui me paraît n’a voir pas été suffisamment signalée. Malgré l’obstination de Méline à ne pas vouloir abaisser les tarifs douaniers, le blé étranger sera fatalement obligé d'entrer.en. France, puisque, cette année, la récolte: n’est pas en rapport avec la consommation du pays. \ Les statistiques établissent qu’il nous manque environ 30 millions de quintaux de blé, qu’il faudra nécessairement acheter;* sous peine de voir des milliers de familles mourir de-faim. Or, puisque le droit de 7 francs est main tenu, l’Etat va donc empocher pour sa part la somme rondelette de 210 millions de francs de droits, représentant la dîme pré levée sur la misère publique. Qu’on ne s’y trompe pas, en effet : les 7 francs d’entrée ne sont pas réclamés par M. Méline pour les répartir aux agriculteurs malheureux. Ils ne sont là, sur le marché, que comme facteurs de hausse,''chargés de maintenir les blés à un prix rémunéra teur. Dans les années d’abondance, ou seule ment de récolte normale, ces fameux 7 francs remplissent uniquement ce rôle, et ils ne contribuent que dans une très faible mesure à grossir le budget des recettes. C’est ainsi que la moyenne du rendement de cet impôt douanier donnait environ 20 millions par an au Trésor. Cette année, au lieu de vingt millions/ c’est 210 millions de francs que le fisc va prélever sur la vente de cette nourriture de première nécessité; soit cent quatrevingt-dix millions qui, par ces temps de disette, et à cause même de la disette, vont passer de la poche des consommateurs dans les coffres-forts du ministre des fi nances. Et si l’on calcule que les familles les plus nombreuses et les plus pauvres consom ment proportionnellement plus de pain que les familles riches, sur la table des quelles se succèdent des plats variés, il est de toute évidence que les malheureux vont fournir à eux seuls lés neuf dixièmes de çette somme. II me semble qu’il y a là un phénomène économique d'une nature spéciale, et que le fait d’empocher, avec une sérénité qui frise l’inconscience, cet argent arraché à ceux qui ont besoinUe manger du pain, Reconstitue pas le jeu normal des opéra tions budgétaires. C’est un vol manifeste, un vol que la loi n’atteint pas, parce qu’elle ne l’a pas prévu, et qui relève seulement de la conscience du gouvernement, si ce gouvernement d’affameurs était susceptible d’avoir une cons cience. , Nos ministres agissent, dans cette cir constance^ comme ces plaeeurs qui vivent et, s’enrichissent de la misère d'autrui, En...