Extrait du journal

DELA RÉPUBLIQUE AVANT LA FÊTE Les' Parisiens, hièr, ont déjeuné de bonn e heure. Dès le matin, les plus enragés étaient à leur; poste, formant aux trot toirs du boulevard, d& la 'Madeleine à la Bastille, une longue bordure humaine. < Mais la majeure partie.de la population n’a quitté ses quartiers que vers midi, A partir dé cette heure-là jusqu’à trois heures, ç’a été, de tous les faubourgs depuis Auteuil jusqu’à Charonnë, un dévalement universel. Par groupes, en longs défilés, tout le peuplé descendait, gai du beau so leil, du ciel clair et de la fête toute proche à présent; Pas beaucoup de toilettes : on savait qu’on serait un peu pressé, bousculé, on redoutait la poussière pour les habits des dimanches et l’on ne s’était fait qu’à moitié beau. Aurait-on de la place ? Verrait-on ? Y aurait-il « quelque chose » — ce quelque chose toujours attendu par le Parisien?— Ces questions faisaient l’objet des dialogues de tous les promeneurs, vaguement émus du plaisir qu’ils allaient chercher et que peut-être ils ne trouveraient pas. Plus d’un, en effet, épouvanté de la co hue, allait, après quelques coups de coude échangés, pentrer chez lui sans avoir rien aperçu que des dos serrés en rangs com pacts; La plupart descendaient à pied. Les ma lins, eux,. prenaient l’omnibus, comptant descendre au milieu de la chaussée du boulevard ou sur le milieu des places, et ils y allaient généreusement de leurs six sous. Mais l’omnibus, ne pouvant dépasser l’in franchissable barrière humaine, s’arrêtait sans traverser le boulevard, au . grand , dé plaisir des malheureux que des occupa tions appelaient vers la rive gauche et qui, partis de Courcelles pour le Panthéon ou de Montmartre pour la place Saint-Jacques, s’arrêtaient avec la voiture qui les portait, ceux-ci à la rue Chauveau-Lagarde, ceux-la rue Richer. Le chemin de fer de l’Ouest, en même temps, vomissait des flots de banlieusards. De midi à deux heures, on se serait; dans la salle des Pas-Perdus, cru au retour du Grand Prix. A l’heure où, d’ordinaire, le dimanche, le train de Ceinture venant sur Paris circule à vide, les escaliers des wa gons étaient noirs de monde. Tous lés monuments qui bordent les bouIevards étaient envahis, les rues qui y aboutissent avaient leurs fenêtres garnies dé curieux, leurs toits couverts d’improvisés gymnastes. Au bout des rues,une barri cade de tables, de chaises, d’échelles, de «•-pissieres grouillait de monde. * 'Opéra, avec son large perron formant amphithéâtre, était entre tous encombré d’une foule énorme qui avait déjeuné sur lès marches afin de s’y assurer de bonnes places pour cette représentation unique et gratuite, donnée sous le ciel bleu, comme les jeux du cirque au peuple de Rome....