Extrait du journal

II n'est que de lire l'étrange littérature clandestine, par laquelle on annonce à la France la bonne nouvelle de la libération, et où se trouvent relatés les hauts faits des « justiciers ), terroristes. Jamais palmarès sanglant n'a atteint à çette ampleur dans la monstruosité. On se vante d'avoir fait dérailler des trains, où les civils, où les Français innocents, constituaient (le toute évidence la majorité, sinon la totalité des voyageurs. On considère comme un exploit d avoir privé telle ville d'électricité, d'empêcher les arrivages de charbon, de gêner la collecte des denrées et leur expédition vers Paris. On dirait que plus 'les Français souffrent, plus ils sont plongés dans la misère, et plus la victoire est proche. A croire que l'ennemi principal n'est pas l'Allemand, contre lequel on prétend se battre, mais bien le compatriote qui ne s'est pas encore plié aux rites du gaullisme, n'a pas encore consenti à crier « Vive Ciraud ! » ou « Vive Thorez ! ». Et en effet c'est bien cela la triste aventure où est tombé ce peuple : la haine vivace et vibrante, la haine de fond, celle qui jette au meurtre et donne le goût frénétique du sang, c'est la haine entre Français....