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L’Ouest-Éclair, 27 mai 1918

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L’Ouest-Éclair
27 mai 1918


Extrait du journal

La duchesse de Roannez porte un grand nom de France, auquel le souvenir de Pascal attache une impérissable noblesse. Elle n'a reçu du duc son époux que ce nom seulement son mariage la fit duchesse, et permit au duc de poursuivre ailleurs ses occupations. Leurs relations conjugales se bornètent à cet échange de titres. Fille d'un muliardaire américain, petite-fille de princesses allemandes et de grands ducs russes, elle jouit d'une fortune qui lui permettrait, sans s'appauvrir, d'achever la tour de Babel sur son plan agrandi, et d'une hérédité qui lui permettrait de s'y sentir chez elle. Souveraine de la Cosmopolis errante qui promène eon ennui de Nice à Carlsbad, d'Ostende à Saint-Sébastien, avec escales à Paris, un caprice l'a fixée pour quelques mois dans les *T*wrons de Florence. Tai à peine besoin de vuus dire qu'elle est jeune, belle à miracle, savante, spirituelle, et intelligente en perfecLa damt de ce jardin et de ce château était entièrement vêtue de blanc, avec une touffe tfœiHets safranés à son corsage, uret ombrelle d'une soie assortie ses fleurs et, sur ses cheveux châtains à reflets blonds, un grand chapeau de paille souple dont r ombre légère adoucissait, fonda; idéalisait Les traits délicats de son beau visage, où bnllaient toujours ses yeu.x d'un brun fauve. Deux grands lévriers russes bondissaient autour d'elle. Ces gestes où le mouvement se distribuait avec une grdce aisée, cette démarche légère et hardie, ce port de téte droit et souple, ce sourire fier et voluptueux. Ce rapide portrait nous fait comprendre que les princesses errantes de Cosmopolis aient dès longtemps accepté M. Bourget pour leur peintre c'est qu'il les peint irrésistibles. Quand il les rencontra, au temps de sa jeunesse, il laissa voir qu'il en était captivé. Sa tendre complaisance se révélait dans l'application qu'il apportait à décrire le décor où elles aimaient à vivre et jusqu'aux pièces ciselées de leur nécessaire de voyage. C'était le bouclier d'Achille de ces petites épopées d'alcôves. Bientôt il se mit sur le pied de leur faire un doigt de morale, entre deux doigts de cour. La première ivresse passée, l'observateur pénétrant reprenait ses droits. Mais il prenait des orchidées pour les battre et si elles se vengeaient en lui jetant une fleur au visage, il la ramassait en soupirant. Maintenant, il est plus sévère. Il blâme sans réticence toutes ces belles pécheresses. Il leur reproche leur impiété, leur appétit de jouissance et le scandale perpétuel qu'elles sont aux malheureux. Il a rejeté le bouquet de fleurs pour saisir la discipline. Il les gronda. il les condamne, il les fustige, mais il les aime toujours, parce qu'il ne peut s'en détacher. Et s'il les livre à toutes les fureurs de la « Némésis divine, n'est-ce pas encore ]'Pffet d'un transport d'amoureux, irrité de a'être point guéri de sa coupable faiblesse 7 C'est à Valverde, en Toscane, château encore enchanté du souvenir d'Isabelle d'Este que le capitaine Hugues Courtin, après une campagne de deux ans au Sénégal, vient retrouver son ancienne maîtresse. Madame de Roannez. Elle fut son premier et son grand amour et, quand l'ordre parvint à l'officier de rejoindre son poste dans la brousse africaine, elle fit pour le garder auprès d'elle les plus furieux efforts. Même après qu'il se fut arraché de ses bras, elle le poursuivit encore. En débarquant à Dakar, il y trouva ce court billet de la duchesse' Je suis enceinte. » Il résista à ce suprême appel. Cependant, durant ses longues rêveries solitaires, l'aveu tragique de la duchesse tourmenta l'officier, in commença de douter du devoir qui lui avait d'abord paru si évident et si impérieux. III ressentit un remords, où se déguisait peutêtre un regret inavoué, et qui lui fournit un prétexte honorable pour se présenter de nouveau (levant la femme toujours aimée qu'il avait fuie, non pas en amant qui se rend à merci, vaincu par les tortures de l'absence, mais en justicier qui demande des comptes. jQu'a-t-on fait de son enfant T...

À propos

Fondé en 1899 à Rennes, L’Ouest-Éclair était un quotidien régional français dont l’influence prospérait sur toute la région Bretagne, jusqu’en Vendée. Il sera remplacé par Ouest-France à la Libération, en 1944.

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