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L’Univers, 13 mai 1886

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L’Univers
13 mai 1886


Extrait du journal

Ce point a été touché, il n'y a pas pour l'instant à y revenir. Voici un autre côté de la question qui a son in térêt aussi. Octroyée par le jury, de venue une simple clause, une clause banale du verdict, la grâce se trouve singulièrement diminuée. Les effets sont les mêmes, l'aspect est indescrip tiblement rapetissé. Or l'aspect, en telle affaire, est de conséquence. La grâce, après tout, est contraire à la justice exacte ; elle a besoin de se faire pardonner ce qu'elle a en soi d'incor rect. Pour ce motif, la grâce ne peut pas se passer de prestige, tranchons le , mot, ne peut pas se passer de beauté, i Prodiguée à tort et à travers, gaspillée par le jury, la grâce ne saurait avoir aucun prestige, aucune autorité morale. Le jury, sous l'étiquette de circons tances atténuantes, le jury commue, le jury gracie sans compter et sans dire pourquoi, sans même qu'il y ait un pourquoi : le verdict n'énonce pas de motifs. Le jury a la maladie des circonstances atténuantes, il en met partout. Dans le ruissellement de cette clémence, il crève les yeux que la quantité fait tort à la qualité. On dit : « Ce qui abonde ne nuit pas. » C'est une erreur, la banalité déprécie, la banalité nuit à la considération et à la recherche des choses. La rareté est certainement un élément de la valeur et de l'attrait qu'elles peuvent avoir. De toute manière, tombée de la main d'rçn jury, la grâce est de qualité dé préciée, inexprimablement au-dessous de la grâce royale. Le juré et le roi sont situés à des altitudes d'où l'on voit différemment. Le juré en général est parqué dans un cercle d'intérêts restreints ; les vues qu'il a des choses sont bornées, attachées au détail, sans grande ouverture sur les généralités. Le sentiment, ne nous y trompons pas, est circonscrit de' même que les jugements. Ce particulier sent avéc une suffisante véhémence ce qui le touche ou touche les siens en bien ou en mal. Quant aux plaies morales, n'affectant que la chose publique, sans lésion immédiate des intérêts privés, elles ne peuvent tenir dans les émo tions du citoyen juré qu'une place se condaire et des plus reléguées. A cet assez mince personnage, on demande quoi donc? — Mon Dieu! simplement on lui demande de prononcer entre l'inéluctable besoin social de justice et le cri de la pitié. Il ne s'agit que de faire le départ entre des intérêts so ciaux en conflit, intérêts vitaux au premier chef et dont on ne saurait dire lequel importe plus gravement et commande davantage le respect. La tâche n'est pas précisément simple. On accorde qu'il y faut un champ de vision étendu, permettant de pressen tir de quel côté penche l'opinion çt s'annonce le danger du jour. Voir de haut et loin, loin devant soi, paraît es sentiel. Le bon juré, conflué dans la médiocrité bourgeoise, a pour point d'observation son entresol. Cela man que un peu d'horizon. Manifestement le roi est plus en si tuation de juger. Le roi a charge de peuple et il a les grâces d'état afféren tes à la chai'ge. Le roi a plus qu'homme qui vive une vue lucide.des besoins de la nation, besoins des corps, besoins d'ordre élevé. Le roi n'a pas d'affaires propres, et par-dessus tout le tourment du bien public le possède. Toute né cessité, toute angoisse, toute épreuve de la nation a un aboutissement, une répercussion, diriôns-nous, dans les sentiments et les préoccupations du roi : il n'est pas possible qu'il se dé sintéresse d'aucune ; il a pour chacune une sollicitude en éveil. Tel est le roi, non lë roi théorique, mais le roi vrai, le roi_ réel des quatorze, siècles de l'histoire de France. Le roi n'est pas exempt de fautes et d'erreurs, mais il...

À propos

Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.

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