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La Croix, 17 août 1928

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La Croix
17 août 1928


Extrait du journal

Dimanche dernier, finis la ville d’eaux où je prends quelque repos, il m’a été donné d'entendre un excellent discours sur les vocations sacerdotales. Devant un auditoire attentif, le supérieur du «Séminaire de Pamiers a exposé avec clarté et élévation le rôle et la nécessité du sacerdoce, et il l’a fait de telle manière que, prêchant la pure doc trine catholique, il devait être compris des inoroyants euxmêmes, car il a insisté sur l’action considérable que réclame du prêtre la société présente. H est le mainteneur >de l’idéal ; il le prêche continuellement par ses paroles ; car, de quoi entre tient-il ses fidèles, sinon de tout ce qui, dépassant llrumanité, l’élève au-dessus d’elle-même et l’entraîne sur les hauteurs ? Il le prêche par sa vie, car pourquoi a-t-il renoncé à la vie de famille, aux préoccu pations exclusivement terrestres ? Pourquoi s’est-il voué au service de Dieu et du prochain, sans compter ni sur des bénéfices matériels ni même sur la reconnaissance des individus ou de la société, prêt d’ailleurs à subir les persécutions, les avanies et les brimades qui lui sont trop souvent données comme remerciements ? Pourquoi, en un temps où l’on se rue vers les belles situations, en entendant par là celles qui rapportent de nombreux billets de mille gagnés rapidement, le plu*1 souvent par des coups de bourse et la spéculation, pourquoi, lorsqu’en face de lui les institu teurs demandent sans cesse de nouvelles augmentations de traite ment et des avantages accessoires de toutes sortes, menaçant de rendre le tablier si on ne les satis fait pas à la minute, lui, le prêtre, passe quatorze ans de sa jeunesse dans l’étude et la méditation de vant Dieu, puis va où on l’envoie, souvent au milieu de populations hostiles ou indifférentes, menant une vie simple et souvent difficile, recevant des traitements de 2000 francs pendant toute une vie, «ans jamais se plaindre, sinon parce qufil enseigne l'idéal et vit d’idéal. Il sait qu’aucune monnaie humaine ne saurait payer sa mis sion, et que sa « recompense est dans le ciel ». Cest là qu’il a placé ses actions, au grand étonnement d’une société matérialisée et avide de gain, ne connaissant que les actions de la Bourse et les valeurs industrielles et commerciales. Siècle d’argent, siècle de fer, que celui où les préoccupations se tournent avec tant d’âpreté vers là richesse, vers le gain, vers la spé culation ! L’âme elle-même finit par se matérialiser dans ces cal culs purement matériels; elle sé durcit aussi, car l’homme finit par exploiter l'homme sans pitié, sans conscience. Trop souvent, dans l’usine, les ouvriers ne sont qu’un matériel humain, travaillant dans les conditions les plus dangereuses pour sa santé, pour sa moralité, pour l’idéal. Qu’importe, - pourvu que le rendement soit bon et qu’il y ait de bons dividendes au bout ? « Homo homini lupus l L’homme devient un loup pour l’homme. » De temps à autre, quelque fait divers nous fait assister aux luttes des requins de la haute finance. Accapareur contre accapareur, con sortium contre consortium, firme contre firme, quelles luttes dans lesquelles, par tous les moyens, chaque « groupe », chaque indi vidu essaye de tuer l’adversaire et leurs milliards, et que la perdre ou l’avilir, pour les gagner, c’est faire un bien mauvais marché. Le grand usinier comprendra que l’âme du dernier de ses ouvriers a un prix qu’aucune richesse ne peut atteindre, et que sacrifier cette âme à son gain, c’est commettre la plus révoltante des injustices, et, le comprenant, il traitera son. ou vrier non comme un instrument, mais comme un homme appelé comme lui-même à une destinée immortelle, et, grâce à Dieu, beau coup le comprennent De son côté, si l’ouvrier entend ces sublimes leçons, il ne sera pas, lui aussi, un loup pour l’homme, comme le sont les bolchevistes qui réussissent trop souvent à le dres ser contre le capital, dans des luttes fratricides et funestes à tous. Le jour où les sentiments de haine et d’envie seront arrachés de son cœur et remplacés par ceux de la justice et de la charité, il comprendra que la haine n’est pas créatrice, selon la formule sacri lège et inhumaine de Jaurès, mais que c’est dans la concorde et la loyale collaboration de tous qu’il faut chercher l’amélioration du sort matériel de chacun et le pro grès social. C’est tout cela que Je prêtre en seigne tous les dimanches du haut de la chaire, et à tout instant par sa vie. Pour voir combien c est utile et nécessaire, point n’est be soin d’être catholique ni même d’avoir pénétré, le rôle surnaturel du prêtre. Ii suffit d’entendre ses paroles et de voir à quel point elles...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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