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La Croix, 23 octobre 1910

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La Croix
23 octobre 1910


Extrait du journal

A,Monsieur Théodore Ducormier, cultivateur aux Touches-de-PlfSsigny (Charente). Mon cher Théodore, Tu es hien gentil, la cousine et toi, de me demander des nouvelles par rapport à la grève. La présente est pour te dire que je suis rentré depuis trois jours... Enfin !.. La vérité vraie, c’est que j’aurais, de joie, embrassé ma locomotive ! On a tellement l’habitude de travailler, que huit jours chez soi, sans rien faire, sans savoir où bourlinguer’ son grand corps, c’est long... long... pour moi... pour la bourgeoise, et pour la bourse aussi. Bref, j’ai retrouvé ma bonne machine, mais dans quel état !.. brûlée, rouillée, crasseuse !.. Je les retiens, les soldats du génie h. on voit bien que ce n’est pas leur fille à eux !. Ne prêtez jamais ni votre fusil, ni votre chien, ni votre locomotive !.. & Maintenant, qu’ai-je gagné à cette grève.. ? Rien !.. Les cheminots voulaient leur pièce de cent sous... C’est tellement juste, qu’ils l’auraient eue saris cela. Chauffeurs et mécaniciens ont marché par solidarité. Donc, profit : zéro. 1 Ce que j’ai perdu.. ? Beaucoup de choses : d’abord une grande semaine de salaire, et pas mal de pièces blanches laissées un peu sur tous les comptoirs. Rien n’altère comme la poussière des réunions publiques. La difficulté du trafic a été un pré texte de plus pour augmenter les vivres. Les pommes de terre elles-mêmes sont devenues un article de luxe. Ça, c’est le petit côté. Mais voilà qui est plus grave : J’ai dû abandonner ma machirie' éri dehors du dépôt. C’est certainement noté sur mon dossier qui était superbe, et cela me suivra toute ma vie. Dans une Com pagnie, on n’efface jamais. Dans cinq.» dix... quinze ans... à l’époque des grati fications, des promotions, on consultera faion dossier et on lira : Grève 1910... a abandonné sa machine. Alors... je serai de la revue !.. £ Plus grave encore ! Au dépôt et à la gare, nous étions^ tous très unis. Aujourd’hui, il y a des cloisons terribles. w Les uns ont fait violemment la grève. Les autres l’ont subie. Certains ne l’ont pas faite du tout, et, de ce chef, ont reçu une prime en argent de la Compagnie. Aussi, mon vieux Théodore, tu pres sens les rancœurs,, les pointes, les épi thètes à voix basse, le feu qui couve toujours sous la cendre... Il y a deux chauffeurs qui se sont piochés, hier, à coups de ringards dans les briquettes. Si le chef avait parlé, ils étaient révo qués tous les deux. Un mécanicien s’est pendu... Presque tous les soirs, quelquesuns s’attendent au dehors pour se battre. Les femmes guettent pour les séparer... C’est délicieux ! Donc, tu vois, le résultat n’est pas bril lant. Et pourquoi.. ? Parce que cette grève était inutile, et, qu’en plus, elle est partie du mauvais pied... Parce que la sale politique s’en est mêlée... Parce qu’au lieu de rester sur le ter rain strictement professionnel... au lieu de faire causer, sans intermédiaires, le> réprésentants des ouvriers et des patrons, nous sommes allés bêtement bâtir une réclame mondiale à la futaille vide d'un journal révolutionnaire !.. Oui, nous avons eu cette naïveté-là ! Quelle ironie !.. Nous, ouvriers intelli gents et posés, connaissant notre affaire, capables dé nous conduire tout sente, nous sommes en désaccord sur une ques tion professionnelle avec nos ingénieurs, et nous allons nous ranger comme dos moutons derrière les plumitifs d’une ré daction énergumène, étrangère à toute question de voie ferrée !.. Cela me déboussole. Aussi, comme ces lascars buvaient du lait!., comme ces intrus se rengor geaient en présidant nos réunions pu bliques... # L’importance que mous leur avons niaisement donnée !.. Le ministre, malin, s’est prêté à la comédie. 11 a fait savoir à ces messieurs de la rédaction le jour et l’heure de lèur solennelle arrestation, et, suprême ré clame, cette arrestation eut lieu avec de gentils mots d’esprit, au local même du journal, abonnement 18 francs par an, remise sur les quantités... .Prime : un kilo de sucre à tout nouvel abonné. Il doit être bon pour ce journal le tri mestre d’octobre ! * Non... on n’est pas bête comme nous !.. «t i Ah.! mon pauvre Théodore, ce que tu es plus heureux au milieu de tes champs,...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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