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La Croix, 5 décembre 1918

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La Croix
5 décembre 1918


Extrait du journal

La guerre est flnfe et le mois de no vembre a disparu dans le gouffre béant du passé. .... A ce moment, notre pensée se reporte vers les milliers de soldats alliés tombes au champ d’honneur. Au milieu des splen deurs de la victoire, de l’emprunt et des réceptions royales, ne les oublions pas. Lorsqu'on a visité un certain nombre de ce3 cimetières militaires où par centaines et par milliers reposent en lignes serrées les héros qui ont vetsé leur sang pour la patrie aimée, une vision ineffaçable en de meure dans l’esprit. Celui qui nous a personnellement le plus impressionné est le parterre de Châlonssur-Marne, où, à l’ombre de la croix, au moment où nous y faisions notre visite et notro prière, l’immense dortoir réunissait déjà six mille tombes. Tout le long de la « voie sacrée » du « front » on en rencontre, hélas ! beaucoup de ces villes de défunts, de ces aggloméra tions de tombeaux. Non moins impressionnante est, du reste, la vue incessante des croix isolées dont est comme jalonnée toute la ligne où fut arrêté l’ennemi. . Les corps sont là, honorés dans la me sure où les atrocités de la guerre l’ont permis. Au 1*' novembre, cette forêt de tombes se fleurit, et c’est un spectacle tou chant que celui des palmes, des fleufs, des souvenirs qui disent aux morts la recon naissance des vivants. Et les âmes, où sont-elles? Trop souvent, semble-t-il, les auteurs catholiques qui écrivent sur ce sujet paraissent supposer que toutes les victimes de la guerre jouis sent d’ores et déjà de la félicité éternelle. Sans aucun doute, le* sacrifice suprême est un acte éminemment méritoire, s'il est offert à Dieu. « Il n’y a pas de plus grande charité que de donner sa vie '», dit la Sainte Ecriture. L’amour de la patrie nous étant prescrit par le quatrième comman dement, pratiquer cette vertu jusqu’à la marque suprême de l’amour, le aon du sang, est incontestablement un acte qui doit effacer bien des taches. Encore faut-il cependant que l’acte ait été fait de manière à avoir devant Dieu son mérite et que l’âme, au moment de la mort, se soit trouvée en état d’entrer dans ie séjour « où ne peut pénétrer aucune souillure ». C’est un devoir apostolique de dire ces vérités. Le soldat qui meurt pour la patrie est « martyr » dans un sens large et su perbe; il ne l’est pas en ce sens strict où ie martyre par lui-même remplace le bap tême et ouvre infailliblement la porte au ciel. 1 C’est pourquoi, tout en ayant une con fiance profonde en la miséricorde divine qui est sans mesure et en comptant en par ticulier beaucoup sur la valeur méritoire et expiatoire du sang versé, il y a lieu de penser que de nombreux soldats tombés au champ d’honneur, sûrs de l’éternité bienheureuse, attendent au vestibule -du purgatoire l’autorisation divine pour entrer dans le lieu où on ne pénètre qu’avec « la robe nuptiale » de l’innocence con servée ou retrouvée. Nos soldats du reste en ont très juste ment le sentiment. La revue Frères d’armes, de l’Association catholique de la jeunesse française, avait fait appel l’an dernier, en novembre (1), à des « marraines de guerre » 3’engageant à prier pour les soldats morts. ; Puis elle a ouvert une enquête sur les résultats de cette initiative et de l’échange d’idées auquel elle donna lieu (2). Or. nous avons été très frappés de voir combien cette élite de la jeunesse fran çaise, instruite, loyale, charitable, dévouée, était convaincue de la nécessité de prier pour nos soldais. "On, sent qu’ils en visageaient tous d’un jour à l’autre la perspective du sacrifice de leur vie. Los officiers-les plus qualifiés nous ont du reste souvent rendu le témoignage que la foi en une vie meilleure donne à nos jeunes catholiques un admirable entrain pour les dévouements suprêmes et lès aide a les consommer avec une impressionnante sé rénité. On a même vu des conversions dé terminées par cette influence de la foi sur le dévouement. Mais, envisageant de sangfroid cette éventualité glorieuse, et con naissant cependant les faiblesses de leur vie, ils comprenaient que, même leur sang étant versé, ils auraient peut-être ou meme sans doute à subir l’attente en purgatoire,...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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