Extrait du journal

Il y a plus de trois ans, on avait annoncé à son de trompe que cette bohémienne venait de K faire 9 cinq cent vingt mille francs à l'hôtel Drouot. Ce fut la plus fameuse victoire de cc l'art vivant ». Comment les gogos n'eussent-ils pas été convaincus ? Toute la presse d'avant-garde enregistra ce triomphe, qui permit aux mercantis d'élever à des prix astronomiques leurs stocks de croûtes extrémistes. Mais les héritiers Rousseau demandèrent leur « droit de suite ». C'est un très modeste pourcentage qu'une loi libérale, récente, accorde enfin aux famiMes des artistes qui, morts pauvres, ont bénéficié, si l'on peut dire, d'une inflation posthume. On voit souvent revendre très cher ce qui fut acheté pour cinquante francs. Le droit de suite répare un tout petit peu cette iniquité. En l'espèce, il s'agissait de quinze mille et quelques francs. Or, le commissaire-priseur, M. Bellier, les refusa net. Pourquoi? On plaida. Thémis est lente. L'affaire trama ; elle n'est venue que ces jours-ci devant le tribunal civil. M. Bellier dut expliquer qu'à son avis il ne devait rien, parce que la vente mirifique n'avait pas eu réellement lieu. L'opération s'était bornée à un « retrait ». On fait mine de vendre un tableau : divers intermédiaires s'agitent dans le feu des enchères ; mais c'est pour le compte du vendeur, qui se rachète lui-même. Ce n'est que poudre aux yeux et procédé d'inflation. En attendant, une publicité énorme a été faite. La bohémienne vaut « moralement » plus d'un demi-million, et dans toutes les boutiques de peinture ,a.:ultrani©derne » on. faille ce chinée une base d'évaluation pour vingt autres « génies ». La proclaniatioft de cette vente fictive a autorisé de multiples marchés de dupes; et, bien entendu, les courtiers de publicité, qui savaient fort bien l'histoire, n'ont jamais eu l'honnêteté de rectifier, de dire qu'il y avait eu comédie. On est en pleine Snia Viscosa dans le monde de « l'art vivant Pi...