Extrait du journal

PARIS, SAMEDI, U JANVIER 1879 UNE GRANDE DATE A l’heure actuelle, il est trop tard pour faire parvenir encore notre pensée aux électeurs sénatoriaux des départements ; et il ne nous reste plus qu’à former des vœux pour que le génie de la France éclaire leurs consciences et inspire leurs esprits. La question, qui sera tranchée dans quelques heures, est discutée depuis qua tre-vingt-dix ans. C’est la lutte du pro grès, qui tantôt apparaît sur le sommet de la colline, puis descend parfois invi sible dans la profondeur de la vallée, mais poursuit néanmoins sans cesse sa marche immuable vers l’idéal inflexible de l’humanité. Nous n’avons aucun doute sur le succès de la liberté dans ces élections, et nous partageons le confiant espoir de la na tion qui est calme, parce qu’elle est as surée d’être obéie. Son extrême quiétude aujourd’hui est une preuve éclatante de la force de la République. Le pays, si agité le lJt octobre 1877, est presque indifférent au scrutin de de main, parce qu’il en connaît d’avance le résultat. Notre victoire est escomptée, car elle est regardée comme certaine. Depuis un siècle, aucun pouvoir ne s’est trouvé dans les conditions favora bles et exceptionnelles qui ont présidé à la naissance de la République, et les gou vernements successifs, nés de la violence, portaient en eux le vice originel dont ils devaient mourir. Tous, sans exception, dataient d’une convulsion brutale. La Constitution qui nous régit, est 1 œuvre de la nécessité ; elle a été votée paisiblement, sans commotion, par des hommes venus de tous les points de l’ho rizon passe et qui sont tombés d’accord sur les droits parlementaires; elle n’a coûté, à son berceau, ni une larme ni une goutte de sang. Le retour offensif imprudent, tenté le 16 mai par les coalisés de la Monarchie et de l’Empire, a prouvé à la fois leurs illusions et leur faiblesse. Il nous a permis de constater notre énergie réelle et nous a donné le senti ment de notre puissance, qui est le ré sultat de notre union. Ln ce moment, nous sommes arrivés à cet état de supériorité légale qui permet de rallier les hommes de bonne volonté, mais qui nous oblige, en même temps, à...