Extrait du journal

les, elle est obligée de traverser la nuit une nantie de Paris, à pied, car le métro ne circule plus à l’heure de son travail ; durant le trajet, elle est en butte aux mille tracasseries, sinon aux dangers de la rue. Jeune, courageuse, honnête, rien ne la rebute ; estimée pour ses qualités morales, elle est l’objet d’une propo sition de mariage de la part d’un homme qui l’estime pour ses qualités morales. Des pourparlers s’engagent, mais ta cruelle nécessité de la loi, inexorable, oppose à ces deux êtres désireux de fonder loyalement un foyer un obstacle infranchissable. La loi n’admet pas ce cas de divorce omis par un législateur plus optimiste que M. B vieux. C’est en vain que la malheureuse frappe à toutes les portes, interro geant les jurisconsultes et les avocats, émouvant les cœurs par le seul récit de ses souffrances morales ; elle ne voit aucune issue à son sort. Qu’elle accepte une situation irré gulière cl elle sera blâmée par les uns, méprisée par les autres ; qu’elle con tinue à mener l’existence déplorable qui est la sienne, et ce sont les plus belles années de sa jeunesse qu’elle consumera sans amour, sans joie, sans famille, sans rien de ce qui fait la vie bonne et belle. Et, en dehors de toute considération de sentiment, au seul point de vue social, nous, législateurs, nous ne pouvons (pie regretter, au moment où l'on s’occupe des remèdes à apporter à la dépopulation, que de pareilles in fortunes n’aient pas ému plus tôt tous ceux qui s’intéressent à la natalité française et à l’avenir de notre race. Nous espérons très fermement que la Chambre hâtera le vote d’un projet de loi si impérieusement réclamé par le bon sens, par la morale, par les intérêts supérieurs de notre pays, par la justice la plus élémentaire. Rien ne prévaudra, à notre sens, contre l'ar gumentation de ceux qui se sont faits les défenseurs de milliers de déshéri tés, quand elle nous aura pour juges. La loi du divorce est incomplète ; il faut la parachever au plus vite pour faire cesser un cauchemar qui n’a que trop duré. Un des plus beaux actes que nous puissions accomplir, c’est bien, par le simple jeu d’un bulletin de vote, de rendre à la vie des emmurés vivants. ALBERT-PEYRONNET, Sénateur de l'Ailier....