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La Gazette, 2 mars 1853

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La Gazette
2 mars 1853


Extrait du journal

alors la population, dans les mains du général qui diri- i geait cette guerre gigantesque. La liberté de la tribune et de la presse, tous les droits qui garantissent la sûreté des individus et qui défendent leur propriété contre les exigences de l’Etat, eussent été des dangers d’existence pour la société dans la lutte suprême où elle était engagée. La moin dre opposition qui, à la faveur de la liberté politique, se serait élevée à l’intérieur, aurait fortifié l’ardeur des ennemis, affaibli la foi de nos soldats, détruit l’unité d’action dans l’administration qui alimentait la grande armée et préparait ses victoires. Les pouvoirs politiques, les ministères, les préfets, les maires, les gendarmes, les écoles, les corps savans, tout était parfaitement constitué en vue de la guerre; tout cela avait sa raison d’être dans la nécessité de la victoire. Cela est si vrai que, lorsqu’il y avait quelque intervalle de repos entre les campagnes militaires, tout le grand édifice semblait en danger de démoli tion ; l’opinion publique devenait hostile, sarcastique et menaçante. 11 fallait repartir pour affronter de nou veaux hasards. Napoléon savait très bien qu’il ne maintenait dans la docilité le fougueux coursier domp té et monté par lui qu’en le lançant dans les dangers des batailles; que si ce coursier cessait un moment de s’embraser à l’odeur de la poudre, de voir éclater au tour de lui la mitraille et les obus, aucune main bu maine, fût-elle gantelée de fer, n’aurait pu le con tenir. Il n’est pas de mode de gouvernement qui n’ait ses conditions de durée. Celles du premier empire étaient placées à une hauteur où nul autre que Napoléon n’au rait pu atteindre. Ces conditions , c’était de faire tou jours la guerre et d’être toujours vainqueur. La preuve en est que le simple bruit d’une défaite ébranlait le gouvernement à l’intérieur ; qu’après la première déroute de la grandé armée les muets du Corps législatif retrouvèrent la voix pour accuser l’em pereur, et qu’à la seconde déroute son Sénat prononça sa déchéance, et ses maréchaux eux-mêmes exigè rent son abdication. Disons-le donc, sans vouloir diminuer eu rien le mé rite de ses créations, le gouvernement qu’il fonda n’a nullement résolu le problème que la civilisation a posé au génie des législateurs. Ce problème, c’est de faire j qu’une société subsiste sans se corrompre et sans se dissoudre, en pleine paix avec ses voisins, et par la force de ses institutions et de ses lois. Gouverner un peuple en l’organisant comme une armée, en entraînant sa jeunesse, son intelligence et son ardeur hors de ses limites, n’est pas l’œuvre la plus difficile. Ce qui l’est véritablement, c’est de faire que les agrégations humaines conservent leur unité, leur organisation, leur force progressive et producti ve, en restant dans l’enceinte que Dieu a tracée autour d’elles. Ce problème, Napoléon ne chercha pas à le ré soudre; on peut même dire que sa constitution avait pour but de l’éviter. L’erreur fondamentale de M. Granier de Cassagnac dans son apologie des institutions de Napoléon, c’est qu’il fait abstraction, pour juger ce régime, de la si tuation violente, extraordinaire dans laquelle il avait jeté la France en vendémiaire, lorsqu’il mitrailla la...

À propos

La Gazette est le tout premier journal français à paraître grâce au soutien du cardinal de Richelieu. Créée en 1631 par Théophraste Renaudot, qui s’était vu octroyer ce privilège du Roi Louis XIII, La Gazette était la seule publication habilitée à annoncer publiquement les nouvelles venant de l’étranger. Il s’agissait de l’organe quasi officiel du Conseil du Roi détenant le monopole de l’information diplomatique et parfois des affaires intérieures. D’abord hebdomadaire, il devient quotidien à compter de 1792.

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