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La Libre Parole, 12 décembre 1898

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La Libre Parole
12 décembre 1898


Extrait du journal

Un sermon sur les Juifs «lier, à la Madeleine, le père Coubé, devant un auditoire compact, a parlé, une heure du rant, sur les Juifs. Il est trois heures quand il monte en chaire. Il annonce que la quête aura lieu au profit de l'œuvre de Notre-Dame de Plaisance. Il fait lentement le signe de la croix. Puis, un long moment, il reste silencieux. Enfin, les deux mains appuyées au rebord de la chaire, il se penche sur l'assistance et, d'une voix nette, il dit: — Messieurs... Le P. Coubé a une qualité : il prononce les mots admirablement, il détache les syllabes — il articule, dirait Sarcey. De fait, il n'y a qu’à la Comédie - Française — il me pardonnera le rapprochement — qu’on puisse rencontrer une diction aussi parfaite. Seulement, le. P. Coubé a aussi le défaut de cette qualité. Il récite admirablement ; mais il récite. Il ne s’échauffe jamais. Il est toujours égal à lui-même, toujours correct. Il ne sem ble pas se douter que la véritable éloquence est faite d’un peu de passion. Mais pourquoi chicaner ? Si le P. Coubé n’est pas un orateur fougueux, c’est un orateur déicieusement littéraire. Et, avec quel art il sait mettre en valeur les mots imagés que, de-ci, de-là, il a sertis dans ses phrases, comme des pierres lumineuses dans des bijoux d’acier I “"Les côtés extérieurs de l’éloquence du prédicateur correspondent aux doctrines qu’elle recouvre. La parole chez lui s’ajuste exacte ment à la pensée. Rien de trop, semble être sa devise. Ou croit, à chaque instant, qu’une idée neuve, qu'une poussée d’inspiration va jaillir : de là un éclair ; mais l'éclair n’est que fugitif. Au lieu des paroles vibrantes qù'on attend, des paroles qui secouent, des paroles qui exci tent, c’est un hymne qui s’exhale, un joli ta bleau qui se déroule. Prône parfait pour dames ; mais alors pour quoi l’avoir dédié uniquement aux hommes ? — Messieurs... Le sujet pouvait se résumer ainsi : les chré tiens seuls ont le droit de revendiquer pour leur temple le nom de Domus Dei; le nom qui convient à la synagogue, c'est selon le mot des Ecritures, celui de spelunca latronum. m Je ne me dissimule pas l’infinie délicatesse de la question, déclare le P. Coubé, mais c’est le droit de l’église d’en parler, et ce droit peut devenir un devoir à certaines heures ; il faut savoir le remplir sans provocation comme sans timidité. » La phrase, que je ne puis citer textuellement, avait plus d’ampleur. Elle avait même une belle allure de crânerie. Mais, sans doute, on s’est mépris sur son véritable sens, car la suite du discours n’a pas réalisé les promes ses qu’elle semblait contenir... C’est peut-être, après tout, que le P. Coubé se réserve d» les réaliser dimanche prochain....

À propos

Fondée par le polémiste Édouard Drumont en 1892, La Libre Parole était un journal politique avançant des prétentions « socialistes », quoique son anticapitalisme populiste marqué se nourrissait essentiellement de liens présumés entre le capital et la communauté juive. Le journal répandait un antisémitisme virulent à travers de brutales diatribes et des unes sensationnalistes dénonçant quotidiennement des « conspirations ».

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