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La Petite Gironde, 16 juillet 1894

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La Petite Gironde
16 juillet 1894


Extrait du journal

Paris, 14 juillet. La Fête nationale parisienne, maintenue •ur les instances du Conseil municipal, n’a point son caractère ordinaire. Les réjouissan ces publiques suivent de trop près les funé railles du Président assassiné. Je sais bien ce qu'on peut alléguer, ce qu’on a fait valoir en faveur de la fête, mais de toute évidence, une partie de la population qui y prenait part les années précédentes s’abstient aujourd’hui. Il y a, malgré l'incertitude du temps, quel ques bals aux carrefours ; les marchands de vins poussent tt pousseront toute la nuit à la consommation de leurs douteux liquides. Les édifices publics seront illuminés, et les cu rieux s’y porteront en masses profondes, mais je persiste à penser que Paris aurait pu tout au moins différer les manifestations de cette allégresse mitigée. Quant au Conseil municipal, il s'est montré égal à lui-même. 11 est toujours le cerveau et l'âme de la grande cité. Son esprit de suite, son bon sens s’affirment sans relâche. L’année dernière, à la suite des troubles du quartier Latin, oit Nuger fut tué, il vota une motion invitant le peuple du Paris à ne pas s associer à la fête du 14 Juillet pour cause de deuil public. La forme était belle et colorée ; « Paris est en deuil. La République a les mains rouges de sang. » Ne pavoisons pas ! » Le drapeau national cravaté de crêpe ne serait qu'une trop faible protestation. En ce jour de deuil, le seul emblème qui puisse orner nos fenêtres, c’est le drapeau noir l » Ainsi, la mort de Nuger, attribuée à l'infâme police, déterminait un deuil publiasse/. dou loureux pour justifier la suppression de la Fête nationale. Cette année, le gouvernement avait pensé que la mort de M. Carnot, du Président de la République tombé sous le couteau d'un anarchiste, devait imposer tout au moins à la ville de Paris une certaine reserve en fait de rcjouisssanccs publiques. Réponse du Conseil municipal de la VilleLumière : « Les mesures restrictives adoptées par l'ad ministration sont de nature à porter le plus grave préjudice aux nombreux petits fabri cants d’enseignes, de lanternes, de drapeaux, de Heurs artificielles, qui comptent sur cette fête pour payer le terme. » Le Conseil, considérant que rien ne justi fierait les mesures prises contre la Fête natio nale, demande qu'elle soit célébrée comme les années précédentes. » L année dchiière, quand ÏT s’agissait du deuil de Nuger, les intérêts des fabricants d'enseignes et de fleurs artificielles ne pesaient pas d'un poids lourd dans les délibérations du Conseil ! Il n’y avait peut-être pas de terme à payer, cette année-ià ? L'essentiel était de faire pièce au gouverne ment en général et. à la police en particulier. Mais la mort tragique du Président de ia République, qu’est-ce donc, sinon une vétille ? « Considérant que rien ne justifierait !... » Ce a rien » est tout bonnement un monde. 11 y aurait un bien amusant recueil à faire des inconséquences cocasses qu’inspire la poli tique. J'ajoute que les drapeaux arborés aujourd’hui étant encore cravatés de crêpe, nous avons l’air de célébrer une lé te mortuaire....

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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