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La Petite Gironde, 30 septembre 1895

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La Petite Gironde
30 septembre 1895


Extrait du journal

liste, do très grandes choses. Armand Carrel était, dans la force du terme, un chef de parti. Loin d’être à la remorque des députés, c’est lui qui leur donnait des directions et des instructions. Et pourtant, vous savez ce qu’était alors un journal. Le^plus puissants vivaient d’abonnements et d’annonces; le chiffre de trois mille abonnés était regardé comme mirifique. C’est notre génération qui a vu naître le roman-feuilleton, les journaux à 40 fr. par an, la vente au numéro et le numéro â un sou. Elle a vu aussi la naissance des journaux à cent mille et deux cent mille exemplaires. Voici maintenant la nais sance des Congrès, et des Congrès inter nationaux. C’est du nouveau, â coup sûr, et du puissant, je le crois. Vous verrez la suite, mes amis; mais je me réjouis d’avoir assisté au commencement. Je voudrais demander aux congressistes d’introduire dans les journaux une cer taine réserve en matière d’intérêts privés. Un journal ne peut faire une pareille ré forme chez lui ; il faut un accord commun. I-a concurrence est là qui oblige à donner comme le voisin les nouvelles à sensation. Les crimes passionnels, les scandales do mestiques, les catastrophes d’autant plus intéressantes, à ce qu’il paraît, qu’elles sont plus douloureuses, prennent dans les journaux une place de plus en plus grande. Il en résulte des conséquences de nature diverse, toutes également regrettables. D'abord, en donnant une publicité énorme à une accusation qui se trouve être in juste, on aggrave et on appesantit l’injus tice; ensuite, on donne au vice et au crime une importance malsaine, un attrait dan gereux. Enfin, on crée à la presse ellemême des inimitiés qui aboutissent à des mesures législatives regrettables. Louis Blanc a fait une campagne en 1848 pour obtenir qu’il fût interdit aux jour naux de publier un réquisitoire sans le faire suivre immédiatement de l’arrêt. « Car, disait-il, je lis un jour une attaque portée contre un citoyen par un magistrat considérable. Cette attaque est faite au nom de la société. Elle est appuyée de preuves et de documents ; elle porte la conviction dans mon esprit. Quelques jours plus tard, dès lo lendemain si vous voulez, le même journal publie la défense; il publie tout au moins l’arrêt. Si ce n’est que l’arrêt, il n’efface pas dans mon esprit prévenu l’impression du réquisitoire. Je puis, d’ailleurs, ne pas le chercher, ne pas le trouver. L’attaque seule m’est tombée sous la main; seule elle reste dans mon esprit. Elle déshonore à jamais, pour moi, et pour ceux qui seront dans les mêmes conditions, l’infortuné qui en a été l’objet. Il y a, dans 110s habitudes actuelles, une tendance à accuser ceux qui s’enrichis sent, et même, d’une façon générale, ceux qui s’occupent d’affaires. Nous avions déjà, en affaires, une timidité qui profitait à nos rivaux. Les Américains et les Anglais ve naient chez nous exploiter les idées fran çaises, parce que les Français hésitaient, tremblaient, tandis que les autres avaient l’esprit d’aventure. Cette nouvelle trans formation de nos mœurs, tracassière, agressive, le plus souvent inconsidérée, va ramener notre commerce à ce qu’il était il y a cent ans, il y a deux cents ans. La politique, qui se fourre partout, n’a pas manqué de se mêler à ce mouvement, et à servir ses rancunes, sous prétexte de puri tanisme. Pendant plusieurs sessions, il n’était question que de scandales finan ciers destinés à compromettre les hommes politiques. On criait, en séance : « L’en quête ! l’enquête ! » comme on avait crié sous la Constituante : « A l’Abbaye I à l’Abbaye! ». Nous no sommes pas assez riches en hommes d’Etat pour mettre ainsi ceux que nous avons eu coupe réglée. On appauvrit le pays, on déshonore le régime parlementaire et le gouvernement républicain, on accumule les ruines, et on se rend coupable d’une iniquité envers les personnes. La presse a sa part de respon sabilité dans l’application irréfléchie et téméraire de cette loi des suspects de nou velle espèce. Non contente de publier les rapports des experts, de donner place aux insinua-...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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