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La Petite Gironde, 6 juin 1907

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La Petite Gironde
6 juin 1907


Extrait du journal

Chaque année, lorsque la préfecture do police publie la liste des objets perdus et non réclamés, les bons Parisiens, et avec eux un certain nombre d’excellents proiinciaux, s’étonnent à qui mieux mieux de cer tains articles figurant sur cette liste. Qu’un monsieur perde son mouchoir de poche ou son parapluie dans un lieu public ou dans un café, cela sc conçoit fort bien ; qu’une dame perde son réticule dans la rue ou qu’elle oublie son ombicllc sur un banc dans quelque square, rien de plus compréhensi ble. On explique à la rigueur, par le besoin de se mettre à son aise, que la même dame (ou une autre) oublie son corset dans un fiacre; mais qu’elle oublie ce corset dans un tramway, cela devient plus difficile à ad mettre, car on ne prend pas d’ordinaire un tramway pour cabinet de toilette ou pour chambre à coucher. On peut donc à bon droit s’étonner que certains objets soient perdus en certains en droits, mais l’on peut aussi avec non moins de raison sc montrer surjffis que certains autres objets puissent être voles par certai nes personnes. Comment expliquer, par exemple, le vol singulier (singulier par la qualité du vo leur) commis il y a quelque temps, au dire d'un de nos confrères, dans une petite gare de province ? Il s'agit de la soustraction de plusieurs bouteilles de champagne par un homme d'équipe. « Il n’y a rien là de sin gulier, direz-vous. Les hommes d’équipe ont soif comme le commun des mortels, et quand ils ont soif, ils boivent. On en cite même qui boivent sans soif, car il y en a dans le nombre qui ont fait leur service militaire comme trompettes de cavaleri.*. » Sans doute, objectcrai-jc, mais oc qui fait la singularité de la chose, c’est que l’hom me d’équipe en question était un ancien Frère de la doctrine chrétienne, et l’on sait que la sobriété est qualité requise chez les Frères ignorantins. Si donc un chef de g an; eut le droit de penser que les bouteilles de champagne contenues dans ses wagons étaient en sûreté, c’est assurément celui qui confiait ses bouteilles aux mains fidèles de cet ancien congréganiste. La confiance fut déçue: la manipulation des marchandises donne soif ; la soif, comme la faim, est mauvaise conseillère ; la chair d’un homme d’équipe est faible, et un gosier est en pen te, même quand ce gosier a porté la sou tane, si l’on peut ainsi parler. Les bouteilles de champagne furent donc dérobées par le Frère défroqué et mi«rs à set en moins de temps qu’il n’en faut pour chanter un can tique. Devant le tribunal, où il fut appelé à rendre compte de sou méfait, le buveur invoqua diverses excuses : r.a soif l'occasion, la mousse tcmlre, et, je pense, Quelque diable aussi le pou««ant... et il obtint les circonstances atténuantes. Mais quelles excuses auraient pu invoquer, quelles explications auraient pu donner de leur inconcevable larcin les voleurs sans scrupule et sans délicatesse qui l’autre jour, à Toulon, dérobèrent clans la rue, où de ru des mats honnêtes travailleurs les avaient provisoirement déposés, une quinzaine de... comment dirai-je r de récipients à guano humain, de tinettes, puisqu’il faut les appe ler par leur nom, pleines à déborder de cette matière que Molière déclarait louable, et dont Cambronne tira une phrase héroï que. Comment peut-on voler des tinettes, et qu’est-ce que l'on peut bien faire d’une ti nette volée ? Songez que pour s’en défaire, les voleurs des quinze tinettes en question ont dû les transporter à travers Toulon, bravant le mépris et les quolibets des gens qui se bouchaient le nez sur leur passage. Au bon vieux temps, on citait comme un trait de bravoure le geste de ce monsieur qui traversait le bal de l’Opéra avec un me lon sous le bras. Que dire de ces héros du larcin qui ont dû rouler leur» quinze petits tonneaux si malodorante et si faciles à re connaître, en offrant à tout venant de les lui céder à bon compte ? Quel spéculateur sans préjugé, quel recéleur sans scrupule a...

À propos

Au début simple déclinaison à prix modique du journal La Gironde, La Petite Gironde devient de plus en plus autonome à la fin des années 1880, lorsque sa diffusion dépasse – et de très loin – celle de son vaisseau-mère pour atteindre les 200 000 exemplaires à l'orée de 1914. Centriste modérée à l'origine, sa ligne éditorialse se droitise au fil des ans, jusqu'à devenir proche de celle de L'Action française dans l'agitation de la Première Guerre mondiale. Sans surprise, le journal sera collaborationniste en 1940, puis interdit en août 1944.

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