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La Presse, 6 mai 1891

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La Presse
6 mai 1891


Extrait du journal

terre ; un sergent du 84e se porta à son secours, il eut le môme sort* Un sergent de ville voulant l'imiter roula égale ment par terre. On ne peut que regretter l'impru dence de ce lieutenant qui a été le point de départ de la bagarre. Le commandant Cacarier après s'être concerté avec le sous-préfet cria trois fois et coup sur coup : « Retirez-vous ou on fait feu ! « et avant même u'on eût le temps de se reconnaître, une sectiçn u 145e, la baïonnette au canon, faisait double pas en avant, puis double pas en arrière et le feu s'ou vrait. Un dramatique incident Un incident émouvant s'est produit au moment où la troupe recevait l'ordre de faire feu. Un jeune soldat du 145°, du nom de Lebon, au moment de tirer, aperçut sa mère dans la foule des manifestants. Aussitôt il releva le canon de son fusil et se refusa à tirer. On a raconté qu'un officier qui se trouvait derrière Lebon lui aurait brûlé la cervelle. Inutile de dire que ce dernier fait, qui serait monstrueux, est complè tement faux. Le soldat Lebon ne sera pas, il ne peut être pour suivi. . La place du Massacre Sur la place de l'Eglise, en face de l'endroit où se trouvaient les soldats, est le café de la Bague-d'Or. Le patron de cet établissement tirait une chope lorsque que quatre balles ont sifflé à son oreille et sont allées casser des verres. Le débit était plein. Deux jeunes filles s'étaient réfugiées dans l'établissement : elles se trouvaient l'une derrière l'autre; une balle passa, les tua toutes deux et blessa encore à la cuisse un consomma teur. Un consommateur nous dit : « C'est un fameux fusil que le Lebel ; seulement pourquoi l'essaye-t-on sur des Franças ? » Partout, sur la place, des débris de pierre et des traces de sang. Samedi, on voyait encore dans un ruisseau la moitié de la cervelle d'une femme qui avait eu le crâne fracassé ; l'autre moitié était encore collée contre le mur, à quelques mètres plus loin. Les deux derniers cadavres restés au presbytère étaient celui d'une femme et celui d'un enfant de onze ans, à la figure douce et charmante. Le père de l'un des enfants tués était exaspéré à ce point qu'il voulait se venger sur n'importe quel soldat. Ce n'est que sur les instances de sa femme et de ses filles qu'il a cédé et qu'il est resté chez lui. LES DERNIERES DÉPÊCHÉS Renseignements complémentaires A l'église, le doyen a lu un discours rappelant les devoirs des patrons qui doivent sacrifier certains plaisirs afin de donner plus de bien-être aux ou vriers. Les assistants pleuraient abondamment. Au cimetière, le citoyen Culine a déployé un dra peau rouge voilé d'un crêpe. Presque tous les discours prononcés sur les tom bes concluaient à l'organisation des ouvriers en syndicats. Le manifestants étaient, sans exagération au nom bre de trente mille. Presque tous les ouvriers étaient en costume de travail. Des délégations étaient ve nues de Sains, Avor, Ohain, Trélon, Giageon, Avesnes, Avesnelles, Roùbaix. Beaucoup de maisons étaient tendues de drape ries noires et de drapeaux noirs. Le 145e qui a tiré n'a pas paru. Une collecte a été faite, à la sortie du cimetière, pour les familles des victimes. On a recueilli 500 francs. L'escadron de cuirassiers est reparti pour Cam brai. Le conseil municipal rassemblé dans la soirée, a demandé le renvoi des troupes. Le préfet a déclaré que les troupes partiraient aussitôt que le maté riel des trains serait rassemblé. D'ici là, les sol dats ne se montreront plus dans les rues. Le calme va renaître. On espère la reprise du tra vail aussitôt le commencement de l'évacuation. AUTOUR 0EJ.A SÉANCE Le vote L'enquête sur les événements de Fourmies, pro posée par M. Millerand, a été repoussée hier à la Chambre par 368 voix contre 172. L'ordre du jour de M. Maujan a été adopté par 371 voix contre 48. Il y a eu beaucoup d'abstentions. Voici les termes de cet ordre du jour : La Chambre, profondément émue par les malheurs de Fourmies et unissant dans ses patriotiques préoccupations et dans ses ar dentes sympathies tous les travailleurs de France et l'armée nationale, et résolue à faire aboutir pacifiquement les réformes sociales, passe à l'ordre du jour. L'attitude des groupes La droite presque tout entière s'est abstenue dans le vote sur l'ordre du jour Maujan. L'enquête a été repoussée par une majorité com posée des centres, d'un certain nombre de radicaux, des légitimistes purs et du groupe Piou. La minorité comprend les bonapartistes, les mo narchistes nuance de Mun, Freppel et d'Haussonville , les révisionnistes, les députés ouvriers et l'extrême gauche....

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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