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La Presse, 9 août 1890

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La Presse
9 août 1890


Extrait du journal

D'autre part, lord Salisbury* au dîner offert aux membres du cabinet par le lord-maire, a pris la parole. Après avoir assez agréablement raillé le partage de 1 Afrique entre les nations qui se distri buent à l'amiaWe-« des contrées qui ne leur appar tiennent guère et qu'elles ne connaissent pas beau coup « il a parlé de la.question égyptienne. Impossible d'être plus diplomatiquement habile que le Premier anglais. . Nous détachons du discours ce passage qui est a méditer. Lord Salisbury vient de louer "les bien faits (?) de l'administration anglaise en Egypte. « Il peut venir, ajoute-t-il, il viendra un-temps, je l'espère, où ces grands résultats se perpétueront sans le secours de la grande race qui en aura été l'initiatrice ; mais cette heure n'a pas sonné encore, et nous compromettrions toute chance d'assurer à la postérité les avantages dès aujourd'hui réalisés, si nous nous laissions aujourd'hui entraîner par des considérations quelconques, . à nous affranchir des devoirs que les événements nous ont imposés et que nous avons solennellement assumés. Que l'Egypte devienne- capable de se dispenser de nos soins, cela dépend des circonstances et aussi, dans une certaine mesure, de ce que feront d'autres nations ayant le pouvoir de hâter ou de retarder le développement qui aboutira à la pleine maturité du peuple égyp tien. » ' ". , . : L'èvacuatien de l'Egypte Le Standard espère que;M. Ribot prendra en bonne part l'allusion de lord Salisbury, disant, que la. France peut hâter ou retarder le moment où l'An gleterre jugera terminée sa tâche en Egypte. Quant à nous, nous ne nous illusionnons pas un instant. Lord Salisbury, ou son successeur, pourra toujours objecter que la conduite de la France ne leur permet pas de quitter l'Eg-vpte ou que l'Egypte n'est pas encore capable de se dispenserdes « soins» de l'Angleterre. ' . Pour arriver à une évacuation de l'Egypte par l'Angleterre, il faudrait un gouvernement autre ment ferme, autrement énergique que celui que nous possédons aujourd'hui, et pour nous repré senter en Angleterre, il serait nécessaire de donner comme; successeur à M. Waddington un véritable diplomate. : ■ r ■■■: ■ : LA QUESTION DU JOUR ! EN POLICE CORRECTIONNELLE — Accusé, levez-vous. L'accusé se lève lentement ; il paraît très affaissé, mais nullement ému. — Vous avez été déjà condamné ? L'accusé garde le silence. — Je vous demande si vous avez été déjà condamné, insiste le président. • L'accusé, sur un ton brusque.—Vous le savez bien, parbleu ! puisque vous avez mon casier judiciaire sous les yeux. Le président. — Je vois,-en effet, que vous avez déjà subi trente-cinq condamnations pour vagabondage. Vous n'avez jamais exercé de profession ? .— Je vous demande pardon, monsieur le président. / — Ah ! Et que faisiez-vous ? — J'étais arpenteur de kilomètres. (Rires.) Le président, très digne. — Je vous engage à être convenable vis.-à-vis du tribunal. Il pourrait vous en coûter... L'accusé, interrompant. — Tenez, vous me faites... C'est toujours la même bricole! (Sic.) — Qu'avez-vous à dire pour votre défense ? -.Salez-moi bien pour que je me con servé. ' • . L'accusé se rassied. Le président consulte, séance tenante, ses collègues, donne lecture de deux où trois articles du code et prononce le jugement. ■ ■ Le prévenu est condamné à trois mois de prison. On passe au suivant. J'assistais, par hasard, ces jours derniers, à l'interrogatoire que je viens de rapporter. L'accusé était un homme d'environ trentecinq ans, au visage pâle, aux vêtements dé braillés, à la chevelure longue et inculte. Il roulait machinalement entre ses doigts un feutre crasseux dont il eût été difficile de dis tinguer la couleur première. Il lançait ses ri postes sans sourciller, avec cet accent gouail leur de voyou parisien, L'auditoire, tout entier se tordait. Lui, cependant, en entendant sa condamnation, !ne put s'empêcher de témoi gner sa satisfaction par une affreuse grimace. — Voilà, pensait-il, du pain pour cinq mois sur la planche. _ ' En somme, cet incident n'était rien moins que risible. Il incarnait, dans sa navrante simplicité, la question sociale tout entière. Ce vagabond qui.se sentait heureux de retrouver un gîte, ce gîte , fût-il l'horrible solitude de la prison, le seul qu'il pouvait désormais espé rer, représentait sur ces bancs de la police correctionnelle, cette population de misé rables qui meurt un peu de faim tous les jours, que la société repousse et dont l'exis tence est un problème quotidien. La justice, en frappant cet individu, punis sait en lui l'infirmité et la misère ce tout un peuple d'affamés. . Cette réponse : « Salez-moi bien pour que je me conserve», qui révoltait la dignité de ce président bourgeois, était, dans sa cruelle iro nie, plus éloquente que toutes les divagations de nos prétendus socialistes...

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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