Extrait du journal

— Bien ! fit Jeanne avec un calme effrayant. Pas un mot de-tout ceci à qui que ce soit... Aglaé le saura aussi; je le lui dirai... mais plus tard... Tenez! faites-moi descendre ici ; je longerai un instant le boulevard... je ne veux pas passer dans sa rue... vous compre nez cela ? — Sans doute ! Mais, de grâce, qu'allezvous faire? — Ne craignez rien ! Jeanne descendit, et au moment où la voi ture, qui venait de tourner, allait s'enfoncer dans la rue de Grammont, elle fit Un petit si gne de la main à son amie. Rose vit ses yeux qui- brillaient du feu de la fièvre, et ses joues qui, pâles tout à l'heure, étaient devenues rouges et brûlantes. —En voilà une qui va souffrir! pensa-t-elle. Je suis sûre qu'elle va vouloir aller à l'église... Il faudra qu'elle voie tout, qu'elle entende tout! J'en ferais autant à sa place. On sait que ça fait du mal, et on veut tout de même... et plus ça fait de mal, et plus on veut! Que nous sommes bêtes, nous, les femmes ! N'im porte ! j'irai la rejoindre ! Elle est dans un moment où il ne fait pas bon d'être seule... Et quand on pense ! C'est la pauvre fille qui a fait elle-mêriie la robe de celle qui lui en lève le cœur de l'infidèle... et c'est moi, son amie, qui dois l'habiller!... On ne voit ces choses-là qu'à l'Ambigu. Rose se rappela le temps où elle étudiait la littérature dramatique avec M. Ernest, déjà nommé, et elle étouffa un soupir... Puis, avec un geste insouciant : — Bast! dit-elle, il faut toujours en passer par là! Cette pauvre demoiselle fera comme nous; elle se consolera... La robe était en retard. On l'attendait avec une impatience qui se mélangeait déjà d'in quiétude. — Arrivez donc! dit le valet de chambre à l'ouvrière dont il épiait la venue, penché sur la rampe de l'escalier. Mademoiselle est dans tous ses états ! — Le sacrement va la-remettre! fit Rose avec un petit air assez impertinent. L'ouvrière est la sœur du gamin de Paris, et la livrée ne lui impose guère;...