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La Presse, 23 juin 1889

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La Presse
23 juin 1889


Extrait du journal

ment quelconque que j'ai été mêlé aux délits d'outrage et de rébellion, reprochés à Paul Déroulède. Deux agents seuls l'auraient pu faire, M. le commissaire central et le com missaire de Cognac, et ils n'y ont jamais songé. La vérité est que, sans avoir prononcé une parole, sans avoir fait un geste, au mé pris de la loi, j'ai été conduit par surprise dans Penceinte d'une maison d'aiTêt et que j'y suis resté plus de cinq heures sans qu'on m'ait fait connaître sous l'inculpation de quel délit j'y étais détenue. L'attitude du procureur A ce moment, mes amis et moi avons reçu la visite do cinq personnes parmi lesquelles le secrétaire général et le procureur de la Ré publique. Le premier, interrogé par moi sur la< questiou de savoir de quel délit étaient pré venus mon collègue et ami M. Laisant et moi, nous a répondu qu'aucun délit n'était relevé contre nous et que nous étions incarcérés par mesure administrative. Il a même ajouté que nous serions libres le soir mêirçe, si nous pre nions l'engagement d'honneur de quitter An goulème et de retourner à Paris. Je lui ai" ré pondu que je prenais l'engagement d'honneur d'entretenir nos amis politiques de cette ville, avant de la quitter, des illégalités dont nous étions victimes. Je lui ai rappelé, à lui et à M. le procureur de la République, qu'un député » ne pouvait être arrêté qu'en cas de flagrant délit ou de clameur publique et que l'arresta tion dont M. Laisant et moi étions l'objet était illégale et tombait sous l'application de la loi. J'ai annoncé à M. le procureur dé la Répu blique que j'appuierais ces réclamations ver bales d'une plainte écrite. M. Laisant a alors donné lecture à ces messieurs, dans son inté gralité, de l'article 121 du Code pénal, et lorsque cette lecture a été finie, je l'ai, sur le ton le plus cahne, appuyée de ce commen taire, dont je maintiens toutes les intonations et toutes les paroles, et que le soir même, pour que rien ne s'en perde, j'écrivais à M. le procureur de la République.: «Je vous'rap pelle, messieurs, pour l'heure prochaine ou fonctionnera dans ce pays un gouvernement régulier, que la révocation n'est pas la seule peine qui attend les fonctionnaires rebelles â la loi. » L'article 121 du Code pénal Il importe d'ajouter que dans ma pensée, à l'heure où je les prononçais, ces paroles ne s'adressaient pas à M. lé procureur de la Ré publique, qui venait de me déclarer de la façon la plus formelle qu'il n'était pour rien dans mon arrestation ; elles s'adressaient à ce mo ment aux fonctionnaires de l'ordre adminis tratif qui en avaient pris la lourde responsabi lité, elles ne visaient M. le procureur de, la, République que s'il rejetait, au mépris de là loi, la plainte que nous lui avons portée; elles s'adressaient très respectueusement mais très nettement à vous-même, si vous me mainte niez en état d'arrestation ; l'art. 121 du Code pénal vise en effet les procureurs généraux, les procureurs delà République, les substituts et les juges. J'ai à peine besoin d'ajouter qu'elles ne sau raient contenir aucun outrage, " car ce n'est pas outrager les fonctionnaires et les ma gistrats que de leur rappeler dans les termes les plus convenables le texte môme de la loi. H est du reste faux de dire qu'à ce moment M. le procureur de la République y ait relevé aucun outrage, il s'est borné à protester de son attachement à ses devoirs de magistrat. ©. ■— Le délit qui vous est imputé est établi par vos déclarations elles-mêmes, vous aviez en effet parfaitement le droit d'invoquer des textes de lois si vous le. croyiez nécessaire dans votre situation; c,'est le commentaire dont vous avez fait suivre cette lecture suffi samment claire par elle-même, et les termes que vous avez employés, qui constituent la tentative de contrainte à l'égard des fonction naires de l'ordre administratif ou judiciaire. Ils étaient dans l'exercice'"'clé leurs devoirs; Le délit était flagrant; il était impossible de vous mettre en ce moment en état de détention, puisque vous y étiez déjà,,et je vous le.répète, M. le procureur, de la République n'avait pas autre chose à faire que ce qu'il a fait : consta ter le délit par un réquisitoire d'information. Dans de pareilles conditions, peut-^on dire sérieusement que la loi a été violée ? - R. — Les termes que j'ai employés, absolu ment calculés dans ma pensée, ont été pro noncés peut-être plus modérés encore, jeles ai écrits le soir même à M. le procureur de la République, je les maintiens et j'en revendique toute la responsabilité. Depuis quand ne se rait-il plus permis à un simple citoyen, à plus forte raison à un député, de rappeler à des fonctionnaires, voire même à des magistrats, la loi et ses conséquences lorsqu'ils s'en écar tent? La loi deux fois violée Le délit relevé aujourd'hui contre moi était si peu flagrant, que nul n'a songé à me. le reprocher sur l'heure, et que je ne l'ai connu que dix-neuf heures après qu'il aurait été commis. Je maintiens que la loi a été deux fois violée. en ma personne dans la même journée: d'abord par les agents qui m'ont arrêté, ensuite par les fonctionnaires qui m'ont maintenu en état d'arrestation. J'ai dtfjà porté plainte, je renouvelle ma protestation *e pour suivrai la réparation de ce crime par toutes les voies que la loi met à ma disposition. ....

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La Presse, fondé en 1836 par Émile de Girardin, fut l’un des premiers grands quotidiens populaires français.

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