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La Quotidienne, 14 janvier 1838

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La Quotidienne
14 janvier 1838


Extrait du journal

La seconde intéresse éminemment la propriété, et comme le gouvernement y est opposé pour des causes toutes dynastiques, l’opposition se posait admirablement devant le pays si elle avait forcé le pouvoir à s'occuper des intérêts de l’agriculture et du commerce, étroitement liés à la réduction. Mais c’est dans une autre question qu’elle a épuisé ses forces; c’est pour faire pré valoir la plus impopulaire de toutes celles qui s’agitaient dans le public, qu’elle a convoqué et compromis le talent de ses mem bres les plus influens. Non-seulement la coopération ou l’intervention en faveur de Marie-Christine contre dou Carlos est fort impopulaire dans les masses, mais elle l’est dans l’armée elle-même, dans cette partie active de la nation qui se montre d’ordinaire si empres sée à accepter toutes les chances de guerre, parce qu’à l’idée de la guerre se lie l’idée de la gloire et de l’honneur mili taire. Si notre armée repousse l’intervention chez nos voisins, c’est évidemment parce qu’à ses yeux cette intervention aurait lieu contre un peuple qui a fait ses preuves en fait d’héroïsme, plu tôt que contre une armée qui a fait ses preuves aussi, mais qui serait assez bien avisée pour se mêler cette fois à la popula tion, afin de décupler ses forces, et de diriger sa résistance na tionale contre une agression inique. Dans une guerre de cette nature, le succès est douteux et la gloire impossible, même après le succès. C’est cependant une entreprise aussi malheureuse que l’opposition de gauche vou lait imposer à une portion de l'armée française! Il est évident que dans cette question, où le ministère avait derrière lui les intérêts militaires et industriels du pays, la majorité lui était acquise ; l’opposition ne Va pas compris. Par son imprudence, elle a fondé en faveur de l’administration une majorité qui lui restera sur tous les autres points de l’adresse, où il eût été pos sible, en prenant moins à cœur la question espagnole, de réunir une majorité contre la politique égoïste du gouverne ment. Cependant des hommes de talent, des hommes habiles se sont mêlés à ces débats, et n’ont point reculé devant la faute que nous signalons ! Pourquoi cela ? c’est que les habiles de l’opposition de gauche seront toujours mis en défaut, lorsqu’une question révolutionnaire se mêlera aux discussions parlemen taires ; ainsi que dans une autre sphère, certaine habileté bien prônée sera toujours compromise, toutes les fois qu’aux allai— res politiques se mêlera une question d’argent ! SÉANCE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS. La chambre était aujourd’hui moins nombreuse et moins at tentive qu’hier. Il en arrive presque toujours ainsi le lende main d’un débat sérieux, et lorsqu’une question importante a été tranchée par une résolution définitive. Les parties militan tes prennent, s’il nous est permis de parler ainsi, leurs quar tiers d’hiver. On se rend bien encore à la séance, mais c’est pour se mêler aux conversations des groupes qui se forment dans les couloirs et jusque sur les bancs ; ou ne discute plus, on vote. Nous pourrions donc nous contenter de dire que la chambre j qui atteignait également le cio! et la terre, grandes et petites choses, amis ! et ennemis, mépris dans lequel il se comprenait des premiers. Voltaire ! n’a point l’abondance et l’aménité de l’Arioste, qui, ne pouvant rien haïr parce qu’il croyait à tout, animait ses ingénieuses et folles compositions d’un souille inépuisable et sans effort. Voltaire disperse et flétrit tout : quand la grâce vient racheter cette cruauté, et laisse prévaloir une philo sophie légère et badine, presque également ennemie du faux et du vrai, ce mélange exquis de raison et de paradoxe étonne et ne rassure pas le lecteur honnête et bienveillant. Il s’attend et doit s'attendre à une reprise d’hostilité contre toutes choses. La Pucelle désenchante de tout les jeunes gens même qui la méprise. La misanthropie et l'athéisme, qu’il tant peutêtre confondre, y respirent sous toutes les formes, et jettent l’a me dans un découragement vague, né d’une impression première et irréfléchie, et plus difficile à vaincre que celui qui résulte d’argumens proprement dits. Mais l’effet le plus redoutable de ce poème est le mépris qu'on éprouve pour la nature humaine quand on voit le génie, ce représentant de Dieu auprès d’elle, s’enfoncer triomphalement dans un abîme de doute, et vous con vaincre et se convaincre qu'il était né pour cela. Ce n’est plus la peine de chercher pourquoi Voltaire a manqué de grandeur dans l'épopée ; pour quoi, par exemple, il a fait les rapsodies de la Guerre de Genève et du poème de Fontenoy. Le cœur était mort chez lui au sentiment de 1 idéal, du merveilleux et de l’infini. . ... » Voltaire, poète tragique, est encore un grand sujet d étude philoso phique. Je dis philosophique bien plutôt que littéraire ; car le prosély tisme de cet homme surpassa son talent, et dépassa les proportions con nues des passions. Voltaire imita d'abord, il est vrai, Corneille et Racine, mais Racine le pathétique, Corneille même le raisonneur, n avaient point fait de l’art d’émouvoir un prétexte pour dogmatiser, -es hommes ai maient beaucoup, croyaient beaucoup. Voltaire était sceptique , et prê chait; il n’était lié à rien, ni matériellement ni moralement ; il n avait ni patriotisme décidé, ni amitié puissante, ni liantes habitudes philosophi ques, et souvent il rima avec verve les scniimens qu il il avait pas le temps d'avoir. Il ne faut pas oublier qu’à cette époque vive et inquiète, les pas sions de tète régnaient partout, et que Voltaire, soumis par son génie le-...

À propos

Publié d’abord sous le nom La Quotidienne en 1792, ce journal royaliste est l’organe principal de Joseph-François Michaud. Historien des croisades, ce dernier est d'abord républicain, puis devient royaliste par hostilité à la Convention. Ces revirements firent changer le journal de nom plusieurs fois durant la Révolution, l’Empire et la Restauration avant de retrouver, en 1814, son titre initial. En 1815, le journal devient la Feuille du jour.

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