Extrait du journal

missant, se heurter aux pierres moussues de l’écluse, jusqu’à l’ombre des grands peupliers plantés aux bords de la rivière, qui s’allongeait sur le pré, sur le chemin et jusque sur les murailles, blanchies à la chaux vive, du grand moulin. Tout, jus qu’au manège des poissons qui, par les temps d’orage, s’agitaient dans la fraî cheur de l’eau, sautant et retombant avec un petit bruit assez semblable à celui d'une multitude de petits cailloux qu’une invisible main aurait laissés choir dans la rivière. Il n’était pas jusqu’aux cris stridents et monotones des insectes cachés dans les hautes herbes, dans l’écorce des arbres ou tapis entre les pierres des vieux murs qui ne lui parussent sinistres et pleins de révélations monstrueuses. Mais Racliel ne s’effrayait de rien et, malgré la tristesse de ses impressions, elle n’en analysait pas moins chaque chose. Peu à peu, par les sentiers de la prai rie, elle s’approcha davantage du moulin, qu’elle avait commencé par étudier de loin. Dans les grands aulnes elle trouva une retraite sûre, et là, la tête couverte de sa cape de drap brun, elle passa de longues nuits en surveillance, tantôt d’uu côté, tantôt de l’autre de la maison. il y avait quelques semaines à peine que Michel avait parlé à son père de la possibilité de son mariage avec la mar quise Isabelle de Montcharvaix, lorsque par une nuit sombre et déjà plus humide, plus froide, comme le sont les dernières nuits de l’automne, la juive, cachée dans une haie d’aulnes et de sureaux touffus, crut voir un homme sortir à pas de loup de l’habitation au meunier et se diriger, par des sentiers légèrement assombris par les arbres qui les bordaient, vers l’in térieur des lerres. Ils s’éloignait de la route suivie par les voyageurs habituels, c’étaient donc pour Hachel un homme à suivre que celui qui...