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La République française, 14 janvier 1909

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La République française
14 janvier 1909


Extrait du journal

La 9e chambre correctionnelle cher che-t-elle a reconquérir la célébrité qu’elle avait sous l’Empire ? Elle a con damné, hier, M. Biétry à six mois de prison pour bris de scellés. Nos petits Delesvaux ont la main lourde. Le Journal des Débats constate que le jugement et les poursuites qui l’ont précédé touchent directement aux inté rêts de la liberté individuelle. Ils tou chent bien plus directement à la liberté de la presse. Sous l’Empire, il fallait un décret pour suspendre un journal. Aujour d’hui le plus petit des procureurs, flan qué d’un juge d’instruction, peut à son gré arrêter les presses, violer les se crets d’une rédaction, briser enfin, au nom de je ne sais quelle République dévoyée, cette liberté qui a accouché la grande Révolution et la vraie Républi que, la liberté de penser et d’écrire. Croit-on que la tyrannie est moins odieuse parce qu’au lieu de tenir dans une main elle est tombée dans mille mains et parce qu’au lieu de porter une couronne, elle est coiffée d’un bonnet carré ? Le juge peut saisir et sceller tout ce qui l’intéresse, à la condition que ce qu’il scelle et saisit ait quelque rapport avec le crime qu’il instruit. Ici, il y a eu flagrant délit. Le garçon de café Mathis a tiré la barbe au président de la République, en plein jour, devant cent personnes. Qu’est-ce que cela peut avoir à faire avec la publication d'un journal ? Il y a la « Fédération des Jaunes » et il y a le journal le Jaune, comme il y a la Fédération radicale et le journal le Radical. Comprendrait-on que parce qu’un membre de cette dernière fédé ration se serait rendu coupable de quel que méfait, les juges vinssent perqui sitionner dans les bureaux de ce jour nal et mettre ses papiers et ses bureaux sous scellés ? Le scellé, c’est le bâillon. Un journal sous scellés ne peut paraître ; il est « suspendu ». Cela ne s’était pas encore vu sous la République. Il a fallu pour en arriver là qu’un journaliste soit à la tête du Gouvernement, un autre jour naliste au ministère de la justice et deux ou trois autres journalistes dans le Gouvernement ! Il serait intolérable que la publica tion d’un journal puisse être suspendue et les secrets de sa correspondance vio lés, si son directeur était inculpé. Mais que penser d’un abus pareil lorsque ce directeur n’est pas inculpé, pas même soupçonné. On n’a jamais osé préten dre que M. Biétry était pour quelque chose dans la sotte algarade du garçon de café. Et alors, quelle explication ? quelle excuse ? Il n’y en a pas. Le lendemain de ce scandale, le bruit courait que le Syndicat de la presse sentant l’offense d’un pareil geste et le danger d’un tel précédent, allait élever une protestation énergique. Qu’a-t-il fait ? On annonce qu’il s’est préoccupé de consulter un avocat et qu’il se précau tionne d’arguments juridiques. Allons donc ! C’est à croire qu’il n’y a pas un seul vrai journaliste dans ce Syndicat. Il fallait bondir sous le premier coup et se solidariser avec le confrère qui a ar raché le bâillon qu’on voulait mettre sur sa bouche ; il fallait le remercier d’avoir traduit par ce geste violent toute l’émotion dont la presse était soulevée ; il fallait qu’on sût au Palais, comme au ministère, qu’on toucherait à l’arche entière si l’on osait s’en prendre à Biétry. Et si ces sentiments qui doivent être au cœur de tout homme qui pense et qui écrit avaient éclaté, les juges au raient fait des excuses. Au contraire, ils ajoutent à l’offense et ils aggravent l’attentat en condamnant l’écrivain qui représente et qui défend la liberté de la presse à une peine plus forte que celle qu’on donne d’ordinaire à l’apa che qui soutient sa marmite. Qu’avons-nous à faire des avis des avocats ? Est-ce que nous ne savons pas nous-mêmes ce qu’est la loi sur la liberté de la presse, ce qu’est l’idée, ce qu’est le principe ? On y a touché. Levons-nous* Louis Latapie*...

À propos

Face à une gauche qui ne parvient pas à contenir ses partisans, Léon Gambetta entend rassembler une majorité de républicains autour d’un nouveau quotidien, organe de l’Union Républicaine : La République française. Grand journal à 15 centimes, il consacre une part importante de son contenu aux nouvelles de province et joue un rôle considérable dans la victoire des républicains contre les conservateurs. La mort de Gambetta provoque de facto un infléchissement de la publication qui s’éteint lentement jusqu’en 1931.

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